Avant propos

«Vous critiquez, vous critiquez, mais que proposez-vous concrètement?»
Depuis plus de dix ans que je participe à des activités d’éducation populaire de toute sorte, j’ai entendu cette question des centaines de fois. C’est le point de départ de ce livre : donner du grain à moudre à celles et ceux qui sont désireux/euses d’aller au-delà du constat.

Des alternatives à la mondialisation capitaliste existent!
Nous vivons dans un monde profondément injuste. Et la situation empire. Plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim; les inégalités atteignent des sommets; on assiste à une destruction massive de l’environnement, l’équilibre climatique est en train de basculer; le racisme et la xénophobie persistent, voire s’amplifient; la répression et la criminalisation des mouvements sociaux s’intensifient; la démocratie et les droits humains, en particulier ceux des femmes, sont attaqués de toutes parts…

Si nier cette triste réalité est impossible, se résigner à l’accepter est impensable. La célèbre expression de Margaret Thatcher1 «TINA» (There Is No Alternative) est tout sauf vraie. Non seulement des alternatives existent, mais, en plus, elles sont innombrables. Beaucoup sont simples, cohérentes et, avec un peu de volonté politique, pourraient être mises en œuvre dès aujourd’hui.

Par ailleurs, ces alternatives ne flottent pas dans l’air : partout dans le monde, et depuis longtemps, des hommes et des femmes combattent les injustices, et certains de ces combats mènent à des victoires. Partout dans le monde, et depuis longtemps, des hommes et des femmes refusent la logique capitaliste qui nous mène dans le mur et revendiquent et/ou développent sur le terrain, de manière locale ou globale, des alternatives démocratiques, sociales, économiques et écologiques.

Les objectifs de ce livre sont simples et ambitieux à la fois :

  • Aider les personnes, en particulier la jeunesse, à rompre avec le fatalisme en montrant que de nombreuses alternatives crédibles à la mondialisation capitaliste existent.
  • Proposer un outil permettant aux militants sociaux, mais aussi à toute personne qui se pose des questions sur le monde qui l’entoure, de construire un argumentaire solide et efficace en faveur d’un changement progressiste et d’inviter à l’action collective. Le contenu de ce livre se veut donc simple et accessible, tout en restant le plus concret et le plus rigoureux possible.
  • Participer au renforcement de la convergence des luttes en articulant différentes thématiques dans une analyse globale.

Choisir, c’est renoncer
Cet ouvrage ne constitue pas un programme politique, ou un manuel de la révolution ou de la société idéale. Il présente une liste non exhaustive de propositions et revendications (dont certaines se sont concrétisées) provenant très largement des luttes portées par les mouvements sociaux du monde entier. Parce que l’horizon des alternatives est immense, des choix étaient inévitables. Certaines propositions ont été mises de côté et certaines problématiques ont été plus développées que d’autres. Différentes thématiques, telles que les arts ou les religions, ne sont qu’effleurées. Cela ne signifie en rien qu’elles ne méritent pas un développement plus large ou qu’elles occupent une place secondaire dans la construction des «autres mondes possibles». Le lecteur qui voudra approfondir un sujet en particulier pourra se référer à la bibliographie et à la rubrique «Pour en savoir en plus», proposant pour chaque chapitre, différentes références (ouvrages, dossiers et outils pédagogiques, sites internet, films et documentaires). Nous l’invitons également à se rendre sur le site www.ilfauttuertina.net, regroupant (par thème et par pays) de nombreuses «victoires» et «solutions».

Cet ouvrage comprend quatre parties. La première vise à définir les contours de ce que nous entendons par «alternatives». Si cette partie est un peu plus théorique que les trois suivantes, elle pourra cependant se révéler utile pour cadrer le débat, en particulier face à ceux qui s’évertuent à décrédibiliser toute volonté de changement avant même que des propositions ne soient énoncées. Les trois parties suivantes ont une logique commune et une cohérence d’ensemble : quinze chapitres développent quinze grandes thématiques. La deuxième partie se concentre sur les thèmes liés à l’économie et à la finance. La troisième est consacrée aux conditions de vie des populations et au respect de l’environnement. La quatrième et dernière partie se concentre sur les conditions d’une citoyenneté active et critique (éducation, démocratie, institutions, comportements individuels…). Le but étant de disposer d’un outil didactique et pratique pour l’action et la bataille des idées, les chapitres sont construits de manière à pouvoir être lus de manière indépendante. Bien sûr, de nombreux liens existent entre les thématiques et ils ont été soulignés autant que possible.

De l’indignation à l’action
L’histoire a montré qu’il est vain d’espérer que nos dirigeants ou des minorités privilégiées prennent en charge le bien-être des populations. Ce n’est malheureusement ni le bon sens, ni l’intérêt général qui mènent le monde. Si l’on veut changer la situation actuelle et transformer le slogan «Un autre monde est possible» en une réalité concrète, il n’y a pas mille solutions : les peuples doivent prendre leur destin en main, s’organiser et, par l’action collective, relever le défi du changement. Si ce livre réussit à éveiller l’envie d’apprendre, de débattre, et de passer à l’action, il aura pleinement rempli ses objectifs.


  1. Femme d’État britannique. Première ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990. Elle mena une politique économique néolibérale très dure : privatisations massives, baisse des impôts directs, dérégulation financière, austérité budgétaire, affaiblissement des syndicats, etc.