Les fonds vautours dans la ligne de mire, la belgique pionnière
Ce 1er juillet, la Chambre des représentants a adopté une proposition de loi contre lesdits fonds vautours. Ce vote – obtenu à une très large majorité - fait de la Belgique une pionnière dans le combat contre ces fonds qui s’enrichissent en spéculant sur la situation financière des pays les plus endettés.

Les fonds dits « vautours » (« vulture funds » en anglais) sont des fonds financiers spéculatifs. Installés pour la plupart dans des paradis fiscaux, ils sont spécialisés dans le rachat à bas prix de titres de la dette publique de pays pauvres endettés dont ils essayent ensuite d’obtenir le remboursement intégral (du principal et des intérêts accumulés). Comment ? En multipliant les procédures judiciaires dans de nombreux pays, comme contre l’Argentine l’an passé et même en Belgique. En cas de réussite, ces fonds spéculatifs réalisent des taux de profits indécents, aux dépens souvent des droits fondamentaux des populations.

LA BELGIQUE À L’AVANT-GARDE
En avril 2008, la Belgique avait déjà adopté une première loi visant à empêcher que ces fonds ne se remboursent sur l’argent consacré à l’aide publique au développement destiné aux pays du Sud. Elle ouvrait ainsi la voie à d’autres initiatives législatives nationales, telle que la loi britannique de 2010.

La loi adoptée ce 1er juillet par le Parlement fédéral va plus loin. Elle limite le remboursement que peuvent exiger les fonds aux sommes effectivement dépensées pour acquérir un titre. Plus question donc d’exiger des intérêts exorbitants aux Etats déjà à terre financièrement. Pratiquement, elle permet à la Belgique de s’opposer à la saisie de biens appartenant à un Etat dans le collimateur d’un fonds vautour et situés sur son territoire.

Selon Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11, « avec cette loi la Belgique assume un rôle de modèle dans la lutte contre la spéculation indécente sur la dette publique des pays surendettés. Après les victoires des fonds vautours contre plusieurs pays africains, et plus récemment encore contre l’Argentine et la Grèce, une réaction publique était indispensable et urgente. Nous espérons que l’exemple belge sera suivi par un maximum de pays, pour couper l’herbe sous les pieds des fonds vautours ».

UN TRAVAIL DE LONGUE HALEINE
Ce nouveau progrès est le fruit d’un travail de plusieurs années mené notamment par le CNCD-11.11.11, son homologue néerlandophone 11.11.11, le CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde) et Didier Mougenot, Maître de conférence à la faculté de droit de l’Université de Namur. Une première proposition de loi, presque identique au texte adopté ce 1er juillet, avait été déposée en novembre 2013 par les sénateurs PS Arena, Zrihen et Laaouej, mais n’avait pas pu aboutir avant les élections fédérales de mai 2014. Le texte avait ensuite été redéposé le 7 octobre 2014, signé par les députés PS Laaouej, Mathot et Crusnière, élargi au député SPa Van der maelen en janvier 2015. Le 30 avril 2015, le texte était finalement signé par un député de chaque groupe politique « démocratique », majorité et opposition. Le 9 juin dernier, il était adopté à l’unanimité par la Commission des finances. Il entrera en vigueur très rapidement après sa publication au Moniteur belge.

LA RIPOSTE DU LOBBY FINANCIER
Visiblement pris par surprise, le lobby des fonds vautours a tenté d’organiser une contre-offensive. Celle-ci fut dirigée notamment par l’Institute of International Finance, avec le concours de la Febelfin (lobby des banques belges) - qui a proposé un amendement visant à exclure l’ensemble des banques et opérateurs financiers belges du champ d’application de la loi-, et l’appui d’un avis de la Banque nationale de Belgique (BNB) qui se range derrière les arguments des fonds vautours. Fort heureusement, la Chambre et le Gouvernement (y compris les ministres VLD De Croo et NVA Van Overtveldt) ont résisté à cette pression.

UNE BATAILLE MAIS PAS LA GUERRE
Si les partisans de la régulation financière ont de quoi se réjouir, l’euphorie n’est toutefois pas de mise car il reste du pain sur la planche. Pour lutter contre ces fonds, « la meilleure solution à terme est la création d’un véritable mécanisme international obligatoire pour résoudre les crises des dettes publiques », estime Arnaud Zacharie. C’est pourquoi le CNCD-11.11.11 demande à la Belgique et l’UE dans son ensemble de cesser de boycotter les travaux entamés par l’Assemblée générale des Nations unies, qui, depuis septembre 2014, s’est donné pour mission de construire un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine.

Par Antonio Gambini

Lire sur le site du CNCD (01/07/2015)