Le « tout-bagnole » est une impasse – Le temps est venu pour une alternative
Ce tract-article a été utilisé en tant que contribution et diffusé, entre autres, aux participant-e-s d’un atelier sur l’industrie automobile coorganisé par des militant-e-s d’Attac Allemagne et du Groupe de Travail Écosocialisme de l’ISO au People’s Climate Summit - Sommet alternatif le 7 novembre à Bonn à l’occasion de la COP 23.

Le « Dieselgate » est un exemple de l’absence de scrupules avec laquelle agissent les fabricants automobiles. Ils savaient pertinemment que chaque année, 10 000 décès prématurés sont dûs aux concentrations excessives d’oxyde d’azote. Afin de baisser les coûts, ils ont réduit la taille des réservoirs de Ad-blue (le « Ad-Blue » est une solution à base d’urée permettant de traiter l’oxyde d’azote en séparant ses composants, l’eau et l’azote, rendus ainsi inoffensifs) et ont mis au point à la place un logiciel frauduleux. Celui-ci permet que, lors des bancs de test, les valeurs d’émission maximum soient conformes, mais là uniquement et pas en roulant normalement. Les grands patrons ont menti et floué les consommateurs et consommatrices. Pour les magnats de l’automobile, les rendements maximums comptent davantage que la santé des citoyen-nes.

Au vu de l’énergie criminelle dont font montre les magnats de l’automobile, on pourrait dire en reprenant une vieille citation de Brecht (« Qu’est-ce que l’attaque d’une banque comparée à la création d’une banque ? ») : qu’est que l’incendie d’une voiture comparé au management d’une entreprise automobile ? S’il s’agissait vraiment pour la justice de ce pays, de « dire le droit », elle aurait dû engager des procédures contre ces grands patrons et leurs acolytes dans les hautes sphères politiques, au minimum pour homicide ou homicide involontaire. Mais comme le chantait déjà le groupe « Ton Steine Scherben » : « celui qui à l’argent a le pouvoir – et celui qui a le pouvoir a tous les droits ! »

A la suite du « Dieselgate », les médias au service de la bourgeoisie ont réussi à mettre au centre des discussions des sujets compatibles avec le capitalisme. Pas question de discuter du CO2 émis par les poids-lourds et les véhicules légers quand pratiquement en même temps les ouragans Harvey, Irma et Maria dévastent les Caraïbes et qu’en Asie (en Inde et au Bangladesh), un typhon a coûté la vie à plus d’un millier de personnes. On parle des destructions causées par les intempéries, mais pas du rôle des véhicules surpuissants et surpolluants dans l’accélération du changement climatique. Il est significatif qu’en RFA, les transport soient le seul secteur dans lequel les émissions de gaz à effet de serre non seulement ne sont pas en recul, mais continuent d’augmenter. Plus il est manifeste que le changement climatique, dont les scientifiques spécialisés pointent depuis longtemps l’avancée, a réellement lieu, plus la question est rendue tabou par les cercles dirigeants.

A la place, on nous sert un pseudo-débat sur les voitures électriques. Pour l’industrie automobile, la voiture électrique présente l’agréable avantage de laisser espérer une production de véhicules aussi élevée qu’elle l’est actuellement. Mais c’est justement cette production massive qui, par la production des alliages légers tel que l’aluminium à partir de la bauxite, pose des problèmes écologiques considérables. Le bilan climatique de la fabrication des batteries et de leur retraitement est une autre hypothèque sur l’avenir.

Si l’on remplace les véhicules diesel et essence par des voitures électriques, cela ne changera rien à l’engorgement des routes et autoroutes, pas plus qu’à l’emprise sur les sols.

Engager un réel changement des modes de transport !

Il est plus que temps de passer de la route au rail pour le transport des personnes et des marchandises. Le collectif « le train pour tou-te-s » milite pour un changement structurel en faveur des trajets courts, la promotion systématique des modes de transport non-motorisés, une extension des moyens de transport public à tous les niveaux, avec un maillage et un cadencement finement adaptés aux besoins.
Bus et trains doivent être disponibles en plus grand nombre afin d’assurer avec fiabilité les dessertes si le trafic augmente. La densification des lignes, plus de flexibilité avec de meilleures liaisons entre les réseaux locaux, régionaux et intercités, voilà les moyens de lever les obstacles au passage aux transports publics.

Afin qu’ils soient accessibles à chacun-e, il est temps de mettre en œuvre la gratuité, et donc la disparition du billet dans les transports de proximité. Il faut en finir avec les projets de prestige qui engloutissent l’argent public, comme Stuttgart 21 ! Le transport de marchandises, quand il ne peut pas être éviter, doit passer par le rail. C’est le passager et ses besoins en mobilité qui doit être placé au centre du réseau de transports en commun, pas la maximisation des profits. Car la discrimination par des tarifs trop élevés, les embouteillages, la pollution aux particules fines, le changement climatique : c’est trop cher payé !

Un virage à 180° est indispensable

Iil est évident qu’une transition vers le transport public ferroviaire diminuera le nombre de voitures et de camions nécessaires. L’industrie automobile se sert de cette donnée pour présenter des scénarios catastrophe aux salarié-e-s de la branche, elle cherche ainsi à les mobiliser pour ses objectifs. Pourtant, il y a des solutions de rechange. Une restructuration du secteur entier serait nécessaire. Les entreprises automobiles actuelles sont en capacité de fabriquer, outre des trams, des bus, des mini-bus et des taxis collectifs, par exemple aussi des vélos ou bien encore des centrales thermiques compactes de cogénération.

En mettant aussi à profit la créativité de celles et ceux qui travaillent dans ces entreprises, et surtout pas en intensifiant et en rationalisant leur travail, la reconversion aurait même la plus grande utilité pour la société. C’est pourquoi cette restructuration devrait être accompagnée d’une réduction significative du temps de travail avec maintien du salaire et embauches correspondantes. Et puis : le combat pour la défense des emplois commence ici et maintenant. Ce qui importe ici, ce n’est pas le poste de travail précis (comme par exemple au montage de voitures) mais que les gars et les filles soient assurés qu’ils gardent leur travail. Ce n’est que si ils et elles sont acteurs de ce qui modèle leur existence que l’on peut miser sur leur capacité à lutter et sur leur créativité.

Nous n’en sommes qu’au début d’une discussion sur l’indispensable reconversion de l’industrie automobile, car l’évolution de la société nous impose ce débat. Le mouvement de défense de l’environnement, le mouvement ouvrier sont sommés de faire face à ces questions et de tracer des perspectives pour toute la société. Seules des mesures globales et efficaces seront à même de freiner le changement climatique lorsque nos vies ne seront plus soumises à la course capitaliste au profit. Année après année, il devient de plus en plus clair que cette vieille formule de Rosa Luxemburg n’était pas une phrase vide de sens, et que, à peine modifiée, elle est toujours d’actualité : « Eco-socialisme ou barbarie ! »

Par Internationale Sozialistische Organisation (ISO (Organisation Socialiste Internationaliste), Allemagne

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