En Pologne, la loi anti-IVG se heurte à la résistance des femmes
Un projet de loi anti-avortement interdisant tout recours à l’IVG a été adopté en première lecture à la Diète. Un risque majeur pour le droit et la santé des femmes. Les Polonais manifestent et résistent. Ils attendent aussi une réaction de Bruxelles devant un membre de l’UE qui viole impunément les droits de l’homme.

Aux portes de la Diète, le visage divisé de la société polonaise apparaît derrière le rideau intermittent des bruines automnales. D’un côté, Ordo Iuris, nébuleuse réactionnaire, dont la longue bannière médiévale pourpre, flanquée des mots « tradition, famille, propriété », flotte au milieu d’une centaine de militants anti-IVG. Derrière eux, des photos géantes de fœtus aux membres découpés, de bébés mort-nés, de tripes et de caillots posés sur des étals, forment un demi-cercle de l’enfer ; le tout agrémenté d’une musique macabre, elle-même rythmée par des voix monocordes récitant la litanie culpabilisante des souffrances infligée « aux mères et aux anges ».

De l’autre, les Vagins de fer. Le groupe de rock composé de quatre militantes féministes ultra-énergiques met le feu sur la place. À coups de basse et de caisse claire, elles déclament en langage fleuri le droit à la liberté sexuelle pour les femmes devant une foule joyeuse venue manifester contre la loi anti-avortement à l’appel de Sauvons les femmes. Ce jeudi, les deux groupes se font face à l’heure même où le Parlement polonais doit se prononcer sur l’adoption en première lecture d’une loi anti-avortement portée par le comité catholique Stop avortement. Mais voici que, entre deux sets, une rumeur contenue monte de la foule des militants pro-choix. La Mercedes noire de Beata Szydlo, la première ministre polonaise, se fraie lentement un passage au milieu des quelque cinq mille manifestants. Sûre d’elle, la cheffe du gouvernement polonais, qui s’est récemment positionnée en faveur de la loi anti-avortement, connaît déjà la fin de ce chapitre. Quelques heures plus tard, le projet de loi anti-avortement est adopté en première lecture à la majorité de 267 voix contre 154. Dans le même temps, la proposition de loi en faveur de l’avortement sans restriction proposée par le mouvement Sauvons les femmes est retoquée avec 230 voix contre et 173 pour.

Assise sur une barrière, une jeune fille regarde passer le cortège ministériel. « Qu’importe que notre loi ne passe pas, explique Olivia Dymonska. Le fait de réunir autant de personnes sur un sujet aussi sensible est déjà une victoire », se réjouit l’étudiante en première année de biologie. « J’aurais simplement aimé qu’il y ait plus de jeunes de l’université. Moi, je ne peux simplement pas imaginer que l’État décide pour moi ce que je dois faire en cas de viol ! » Jusqu’à présent, l’avortement était autorisé dans trois cas en Pologne : lorsque la vie ou la santé de la mère était en danger ; quand la grossesse résultait d’un viol ou d’un inceste ; et en cas de pathologie irréversible chez l’embryon. Si elle passe, la nouvelle loi interdirait l’avortement dans tous les cas.

A lire sur humanité.fr (26/09/2016)