Aviation : nos demandes pour une décroissance du secteur et des alternatives durables
Le secteur de l’aérien est l’un des plus touchés par la crise du coronavirus : les compagnies aériennes et les aéroports sont à l’arrêt et de nombreux salarié·es ont déjà perdu leur emploi ou une partie de leur salaire. En Europe, le trafic aérien a chuté de 95%.

De nombreuses compagnies aériennes manquent de trésorerie et demandent des mesures de sauvetage qui pourraient atteindre 200 milliards de dollars au niveau mondial. L’impact du coronavirus s’étend jusqu’aux secteurs de l’aéronautique et du tourisme. Quelques gouvernements européens ont déjà décidé d’accorder des prêts ou des garanties de prêts à certaines compagnies (Suède, Norvège) ou de nationaliser leur compagnie aérienne (comme en Italie), et d’autres mesures sont attendues pour les aider à faire face à la crise. Jusqu’à présent, aucune condition environnementale n’a jamais été posée à l’octroi de ces aides.

Alors que certain·es dirigeant·es et actionnaires du secteur ont accumulé bénéfices et profits pendant des années, le secteur est dépendant de l’aide publique pour se développer. En France, plusieurs aéroports régionaux sont subventionnés, le secteur aérien bénéfice d’avantages fiscaux comme l’absence de taxation sur le kérosène ou de TVA sur les vols internationaux (et une TVA réduite sur les vols domestiques), etc. De l’argent public est injecté en permanence dans ce secteur en dépit des inégalités qu’il cristallise (une infime partie de la population européenne vole fréquemment) et de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre généré par le trafic aérien (les émissions de ce secteur sont celles qui ont augmenté le plus vite en Europe au cours des dernières décennies). Sans compter la pollution atmosphérique et sonore…

Il faut que ça cesse ! Si les gouvernements font le choix de renflouer sans condition l’industrie de l’aviation, ils ne feront qu’empirer la crise climatique. L’histoire à montrer que conséquemment à chaque crise, le trafic aérien repart de plus belle.

Un retour à la normale (ou pourrait-on dire “à l’anormal”) ne peut pas être une option. La réduction du trafic aérien est nécessaire pour avoir une chance de rester sous la barre de 1,5°C d’augmentation des températures et limiter la crise climatique. Cette crise, celle que nous vivons en ce moment, doit être le point de départ d’une transition juste et écologique pour le secteur des transports. La priorité des mesures de sauvetage déployées pour le secteur aérien doit être de protéger les emplois des travailleur·euses de ce secteur. C’est pourquoi ces mesures doivent mettre en leur cœur la protection sociale, dans une perspective de réduction du trafic aérien. Il faut impérativement soutenir, comme nous ne l’avons jamais fait auparavant, le développement d’alternatives moins polluantes (comme le ferroviaire), en œuvrant à la formation et à la reconversion des travailleur·euses de l’industrie aérienne et en permettant la création d’emplois au service de modes de transports plus adaptés au défi climatique.

Nos demandes prioritaires concernant le sauvetage du secteur aérien en Europe

    Les aides financières d’urgence accordées au secteur aérien doivent servir à maintenir l’emploi et assurer la protection sociale et les revenus des salarié·es impacté·es. De plus, des plans de transformation des entreprises aériennes soutenues doivent être établis pour organiser la nécessaire réduction du trafic aérien en prenant en compte les enjeux sociaux, en lien avec les syndicats ; des fonds de transition doivent être prévus pour la formation et la reconversion des travailleurs impactés vers des emplois dans des secteurs cohérents avec le défi climatique.

    Tout soutien public aux entreprises, notamment du secteur aérien, doit être conditionné à la suspension de distribution de dividendes puis à leur encadrement à moyen terme, et à l’interdiction de rachat d’actions ou d’augmentation des salaires ou bonus des dirigeants.

    Le secteur aérien doit s’aligner avec les objectifs de l’Accord de Paris, et notamment l’objectif de limiter la hausse moyenne des températures au plus près de 1,5°C. Cela implique des objectifs annuels contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et une baisse significative du trafic aérien par rapport aux niveaux connus avant la crise. A cet égard, les vols courts (vols domestiques ou entre pays voisins) doivent être interdits quand une alternative, notamment en train, existe – et ces alternatives doivent être développées pour que l’interdiction des vols courts puissent être généralisée au plus vite.

    Un plan solide de développement des réseaux de trains de jour et de nuit, des transports publics, des mobilités douces, comme le vélo, et de l’intermodalité est indispensable et devra être la priorité pour la relance du secteur des transports, aux échelles nationale et européenne. Cela suppose un investissement public massif dans ces modes de transport plus écologiques. Il faut aussi des mesures fiscales pour mettre fin notamment aux avantages dont bénéficie injustement le secteur polluant de l’aviation – les ressources ainsi dégagées devraient être investies par les Etats membres et l’Union européenne pour rendre accessible à toutes et tous un système de transport plus respectueux du climat.

Et la France dans tout ça ?

Ce qui se profile en France n’est pas de bon augure pour le climat. Suivant les recommandations du gouvernement, le projet de loi de finances rectificative a été voté par le Sénat cette nuit. Ce plan devrait permettre la recapitalisation d’Air France par l’Etat, sans contrepartie sociale et environnementale. Le montant qui sera versé à Air France provenant de l’enveloppe de 20 milliards du budget de crise reste encore à confirmer. Par ailleurs, une négociation est en cours autour d’un prêt garanti par l’Etat qui pourrait atteindre 10 milliards d’euros !

Le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat préconise de mettre la transition écologique au cœur de la relance du pays. Cette instance indépendante, composée de chercheurs et d’économistes et présidée par Corinne le Quéré (climatologue), nous alarme depuis sa création par Emmanuel Macron l’an dernier, mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure le gouvernement et sa majorité parlementaire.

Publié le 23/04/2020
A lire sur le site Greenpeace