Produire du soja en Europe pour nourrir le bétail européen
Depuis plusieurs décennies, l’Union européenne importe 40 de millions de tonnes de soja chaque année  pour nourrir le bétail dont elle tente ensuite  d’exporter une partie de la viande et des produits laitiers dans plusieurs pays tiers. Elle contribue ainsi à la déforestation accélérée de l’Amazonie et augmente en même temps le bilan carbone  de la viande et du lait qu’elle produit  sur son sol. Or, le soja donne désormais de bons rendements  dans plusieurs pays d’Europe  dont la France. Notre pays gagnerait donc à produire moins de blé et de maïs pour l’exportation  et à cultiver davantage de soja pour nourrir son bétail. Encore faudrait-il que les aides européennes soient orientées pour soutenir cette indispensable transition.

En ce  mois de décembre 2019, le prix de la tonne de blé rendue au port de Rouen était  de 177€  voilà deux semaines  contre 195€ environ  un an plus tôt. Il est monté  à 180€ la semaine dernière . Ce prix pourrait encore monter dans les prochaines semaines car une vague de froid vient de provoquer des dégâts sur les cultures de blé en Russie et en Ukraine. La tonne de maïs ne cote que 164€ contre 172€ un an plus tôt. L’orge fourragère  rendue au port de Rouen cote seulement 161€ la tonne en décembre 2019 contre 200€ en décembre  2018. Pour ces trois céréales, les coûts de production à l’hectare  sont en hausse tandis que les rendements  à l’hectare furent en baisse  dans certaines régions pour le blé  et l’orge. Ils furent en baisse pour le maïs partout où il n’a pu être irrigué. Le prix mondial de ces trois céréales continuant d’évoluer en fonction de ce qui se décide dans les salles de marché, la loi EGALIM, par  laquelle Emmanuel Macron promettait aux paysans des prix  qui partiraient des coûts de production, ne fonctionne pas. Elle ne fonctionne guère davantage   pour d’autres productions, à commencer par le lait de vache et la viande bovine.

La France a produit cette année quelques 37 millions de tonnes de blé tendre, dont la moitié est disponible pour l’exportation. Bon an mal an, la moitié du blé français est exporté. La moitié de cette moitié est vendue  dans les pays membres de l’Union  européenne  et l’autre moitié dans les pays tiers. Hors de l’Union européenne, il s’agit surtout des pays  qui bordent l’autre rive de la Méditerranée. Mais ces pays,  à  commencer par l’Egypte, préfèrent  désormais acheter du blé russe ou ukrainien  car le taux de protéines de ces blés issus des terres noires  est plus élevé en moyenne que  celui du blé français. A force de produire du blé en rotations courtes (tous les deux à trois ans sur la même parcelle) les terres céréalières  françaises  se sont appauvries en matière organique. Les paysans des plaines céréalières  ont  depuis longtemps renoncé à l’élevage;  lequel donnait du fumier  pour améliorer la teneur des sols en matière organique.

La France doit produire moins de blé et davantage de soja

Pour dire les choses clairement, la monoculture céréalière en rotations courts ( blé , orge , maïs) voire avec une culture oléagineuse  (colza, blé, orge)  sera de moins en moins pertinente  dans les prochaines années  tandis que le réchauffement climatique  fera baisser les rendements plus souvent que par le passé . Mais, un dossier publié par La France Agricole du 13 décembre montre que les terres de plusieurs régions de France conviennent de mieux en mieux à la culture du soja. Le soja  est une plante protéagineuse  et l’Europe en importe  40 millions de tonnes par an sous forme de graines ou de tourteaux.  Plus de 10% de ces tourteaux sont importés par la France.  Les tourteaux sont issus des graines pressées pour produire de l’huile ou du diester. Ce dernier est un carburant réputé « vert »pour les moteurs diesel, ce qui est discutable.  Ces tourteaux entrent dans les aliments du bétail, mélangés à des céréales concassées. Ces dernières peuvent être du maïs, de l’orge et du blé  fourrager.

La bonne rentabilité du soja en Seine-et-Marne

Naguère cultivé dans le sud et le sud-ouest de la France, le soja  donne désormais de bons rendements  dans des régions comme le Centre, les Pays de la Loire, la Bourgogne Franche-Comté, le  Grand Est et même certaines zones des Hauts de France, sans oublier l’Ile-de-France. Ainsi 800 hectares de soja ont été cultivés cette année en Seine et Marne. Céréalier près de Nangis, Vincent  Bongard, témoigne dans La France Agricole. Il  explique que cette culture du soja lui permet de dégager une marge brute intéressante à l’hectare sans avoir eu à investir dans du matériel. Dans le même journal, Xavier Masson, technico-commercial à la coopérative Vivescia,   indique que la graine de soja de Seine-et-Marne est valorisée dans l’alimentation humaine  et animale  avec toutefois une moindre rentabilité dans l’alimentation animale. Ajoutons que, comme les autres légumineuses, le soja fertilise les sols naturellement en captant l’azote contenu dans l‘air  sur ses racines .

Que donnera la réforme de la PAC en  2020 ?

Si la nouvelle réforme de la Politique agricole commune (PAC)- qui doit être discutée à partir de 2020 entre le commissaire en charge de l’agriculture et les ministres concernés-  débouchait sur un nouveau ciblage  des aides de la PAC visant  à  réduire la dépendance  de l’Europe vis-à-vis des protéines végétales importées  d’Amérique du sud, des pays comme la France, l’Espagne, l’Italie, la Roumanie, la Bulgarie  et quelques autres  pourraient accroître leur production de soja  et  réduire la dépendance de l’Europe aux importations  qui contribuent à la déforestation de l’Amazonie.

Mais, l’Europe des technocrates infestée par les lobbyistes des firmes privées  étant ce qu’elle est,  il demeure possible que le sujet ne soit même pas abordé. Sauf si les paysans faisaient le choix  de porter le dossier auprès  de leurs ministres respectifs dans les pays  membres de l’Union européenne.

Par Gérard Le Puill (publié le 26/12/2019)
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