05 Juil 2019
« Inacceptable », avait fustigé la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), à l’annonce de la signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), vendredi 28 juin. Joignant les actes à la parole, le syndicat, associé aux Jeunes agriculteurs (JA) a décidé, sans attendre, de mobiliser des troupes, mardi 2 juillet. A Aurillac, dans le Cantal, à Saint-Etienne, dans la Loire, ou à Niort, dans les Deux-Sèvres, des agriculteurs sont sortis de leur ferme pour dénoncer les « distorsions de concurrence » qu’ils craignent de subir avec l’importation de produits agricoles d’Amérique latine.
« N’importons pas l’agriculture dont nous ne voulons pas », est d’ailleurs le slogan derrière lequel se rangent les adhérents de la FNSEA. Pour eux, la baisse, voire la suppression, des barrières douanières européennes pour des quotas de viande de bœuf, de volaille, de sucre et d’éthanol est un casus belli. En effet, pour obtenir la signature du Brésil, de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay, au bas de cet accord commercial, la Commission européenne a accepté d’ouvrir plus largement ses portes à ces productions.
Le Mercosur pourrait donc progressivement écouler 99 000 tonnes de bœuf par an à droit réduit, fixé à 7,5 %. Mais aussi bénéficier d’un droit de douane réduit à zéro sur un quota de 60 000 tonnes de viande de bœuf issue d’élevages herbagers. Pour la volaille, le quota sans droit de douane est fixé à 180 000 tonnes. Le sucre brésilien décroche un quota de 180 000 tonnes et l’éthanol de 450 000 tonnes sans droit de douane et de 200 000 tonnes à droit de douane réduit.
Front commun des syndicats
La Commission défend l’idée d’une négociation agricole équilibrée. Et veut pourfendre le constat fait par de nombreux Européens d’une agriculture monnaie d’échange de l’industrie dans les discussions des accords commerciaux internationaux. Elle met en exergue le fait que spiritueux, vins européens et autres produits comme l’huile d’olive, le malt, le chocolat vont voir les barrières tarifaires du Mercosur s’abaisser et que la filière laitière bénéficiera de quotas de fromage, de lait en poudre et de lait infantile sans taxes. Elle explique également que l’Europe importe actuellement 200 000 tonnes de viande de bœuf et 500 000 tonnes de volaille du Mercosur.
Une vision que réfutent les syndicats agricoles, qui font, sur cette question, front commun. Pour Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, « les enjeux de souveraineté alimentaire, les enjeux des territoires et des paysans, les enjeux climatiques sont balayés au profit du commerce international et d’une croissance débridée ». La Coordination rurale, elle, s’interroge : « Pourquoi les agriculteurs européens devraient-ils continuer de fournir des efforts imposés par l’Union européenne, alors que celle-ci les sacrifie délibérément ? »
« Cet accord ouvre grand les portes du marché européen à des produits ne respectant pas les normes, notamment sociales et environnementales, mises en œuvre par les producteurs français et arrivant donc à des prix incomparables. Il soumet des pans entiers de la production française (viande bovine, volaille, sucre, éthanol) à une concurrence déloyale, qui menacera leur pérennité », affirment la FNSEA et les JA dans un courrier adressé, lundi 1er juillet, au président de la République, Emmanuel Macron, lui demandant un rendez-vous.
L’attitude du président brésilien dénoncée
« On ne peut pas, d’un côté, dire “montez-en gamme, faites beau, faites bien, faites bien-être”, et, en même temps, ouvrir les vannes à tout-va », affirme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, qui souligne « l’attitude du président brésilien, Jair Bolsonaro, qui, depuis son arrivée au pouvoir [le 1er janvier], a réautorisé plus de 120 produits phytosanitaires ». Les éleveurs français ont aussi en tête les scandales sanitaires et de corruption qui ont secoué le Brésil jusqu’au sommet de l’Etat. Un scandale dont l’un des protagonistes n’était autre que le groupe brésilien JBS, leader mondial de la viande bovine.
De son côté, Emmanuel Macron a défendu, mardi, à Bruxelles, l’accord signé avec le Mercosur.
« Pendant trop longtemps, il y a eu une naïveté libre-échangiste, parfois complètement contradictoire avec l’ambition climatique et qui a déséquilibré des secteurs. C’est terminé. Mais il ne faut pas non plus qu’il y ait une espèce de néoprotectionnisme qui s’installe en disant que l’autre est forcément mauvais », a déclaré le chef de l’Etat.
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Par Laurence Girard (publié le 03/07/2019)
A lire sur le site Le Monde
« N’importons pas l’agriculture dont nous ne voulons pas », est d’ailleurs le slogan derrière lequel se rangent les adhérents de la FNSEA. Pour eux, la baisse, voire la suppression, des barrières douanières européennes pour des quotas de viande de bœuf, de volaille, de sucre et d’éthanol est un casus belli. En effet, pour obtenir la signature du Brésil, de l’Argentine, du Paraguay et de l’Uruguay, au bas de cet accord commercial, la Commission européenne a accepté d’ouvrir plus largement ses portes à ces productions.
Le Mercosur pourrait donc progressivement écouler 99 000 tonnes de bœuf par an à droit réduit, fixé à 7,5 %. Mais aussi bénéficier d’un droit de douane réduit à zéro sur un quota de 60 000 tonnes de viande de bœuf issue d’élevages herbagers. Pour la volaille, le quota sans droit de douane est fixé à 180 000 tonnes. Le sucre brésilien décroche un quota de 180 000 tonnes et l’éthanol de 450 000 tonnes sans droit de douane et de 200 000 tonnes à droit de douane réduit.
Front commun des syndicats
La Commission défend l’idée d’une négociation agricole équilibrée. Et veut pourfendre le constat fait par de nombreux Européens d’une agriculture monnaie d’échange de l’industrie dans les discussions des accords commerciaux internationaux. Elle met en exergue le fait que spiritueux, vins européens et autres produits comme l’huile d’olive, le malt, le chocolat vont voir les barrières tarifaires du Mercosur s’abaisser et que la filière laitière bénéficiera de quotas de fromage, de lait en poudre et de lait infantile sans taxes. Elle explique également que l’Europe importe actuellement 200 000 tonnes de viande de bœuf et 500 000 tonnes de volaille du Mercosur.
Une vision que réfutent les syndicats agricoles, qui font, sur cette question, front commun. Pour Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, « les enjeux de souveraineté alimentaire, les enjeux des territoires et des paysans, les enjeux climatiques sont balayés au profit du commerce international et d’une croissance débridée ». La Coordination rurale, elle, s’interroge : « Pourquoi les agriculteurs européens devraient-ils continuer de fournir des efforts imposés par l’Union européenne, alors que celle-ci les sacrifie délibérément ? »
« Cet accord ouvre grand les portes du marché européen à des produits ne respectant pas les normes, notamment sociales et environnementales, mises en œuvre par les producteurs français et arrivant donc à des prix incomparables. Il soumet des pans entiers de la production française (viande bovine, volaille, sucre, éthanol) à une concurrence déloyale, qui menacera leur pérennité », affirment la FNSEA et les JA dans un courrier adressé, lundi 1er juillet, au président de la République, Emmanuel Macron, lui demandant un rendez-vous.
L’attitude du président brésilien dénoncée
« On ne peut pas, d’un côté, dire “montez-en gamme, faites beau, faites bien, faites bien-être”, et, en même temps, ouvrir les vannes à tout-va », affirme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, qui souligne « l’attitude du président brésilien, Jair Bolsonaro, qui, depuis son arrivée au pouvoir [le 1er janvier], a réautorisé plus de 120 produits phytosanitaires ». Les éleveurs français ont aussi en tête les scandales sanitaires et de corruption qui ont secoué le Brésil jusqu’au sommet de l’Etat. Un scandale dont l’un des protagonistes n’était autre que le groupe brésilien JBS, leader mondial de la viande bovine.
De son côté, Emmanuel Macron a défendu, mardi, à Bruxelles, l’accord signé avec le Mercosur.
« Pendant trop longtemps, il y a eu une naïveté libre-échangiste, parfois complètement contradictoire avec l’ambition climatique et qui a déséquilibré des secteurs. C’est terminé. Mais il ne faut pas non plus qu’il y ait une espèce de néoprotectionnisme qui s’installe en disant que l’autre est forcément mauvais », a déclaré le chef de l’Etat.
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Cet article est paru dans notre newsletter « La lettre éco ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre quotidienne en suivant ce lien. Chaque jour à 12 h 30, vous y retrouverez les informations du Monde et son regard sur l’actualité économique, à travers notamment la chronique « Pertes & profits ».
Par Laurence Girard (publié le 03/07/2019)
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