Propositions pour changer le système éducatif
Pour une école démocratique

1. À quoi sert l’École?

En outre, son rôle est de stimuler la créativité et les talents afin que chaque individu puisse donner forme à sa propre vie, bien sûr, mais aussi afin que chacun puisse contribuer consciemment à l’avènement d’une société plus juste et plus durable.

Certes, une des missions de l’institution scolaire est de reproduire les rapports économiques, sociaux et politiques existant au sein de la société. Cependant, cette même institution scolaire est traversée par des contradictions, des débats et des luttes sur lesquels il est possible et nécessaire d’agir.

1.1. Éduquer et socialiser l’être humain

L’être humain est un être social : il doit apprendre à vivre en société, de façon responsable vis-à-vis de lui-même et des autres. C’est-à-dire :
  •     Développer un sentiment d’appartenance à l’Humanité, bien au-delà de son entourage immédiat et de son époque ;
  •     Apprendre à « faire société », à s’exprimer, à écouter et à comprendre les autres, à respecter les différences sans perdre son jugement critique, à prendre des décisions collectives et à organiser la vie commune ;
  •     Apprendre à vivre sainement, à s’alimenter de façon équilibrée, à se soigner, à résister aux sirènes de la surconsommation, bref à se respecter soi-même pour mieux respecter les autres et l’environnement ;
  •     Maîtriser les techniques et les savoir-faire de la vie quotidienne : la cuisine, l’électricité, le nettoyage, le jardinage, la sécurité routière, …
  •     Découvrir les fonctions et fonctionnements des institutions, administrations, services que l’on affronte ou subit quotidiennement.

1.2. Former le travailleur

Le travail – qu’il soit salarié, indépendant, domestique, associatif ou militant – est, avec la nature, la source principale des richesses produites. Chacun a le droit et le devoir de contribuer, par son travail et selon ses capacités, au bien-être collectif. L’école doit donc aussi préparer les jeunes au travail socialement utile.

Cependant, dans notre société capitaliste, ce travail est mesuré non à l’aune de son utilité sociale, mais à l’aune de sa contribution aux profits. Le travail salarié contribue à la production de richesses, mais cette contribution s’organise à travers l’exploitation des travailleurs.

De plus, pour répondre à l’accélération technologique et à la dérégulation du marché du travail, certains employeurs exigent des travailleurs « flexibles et adaptables » tandis que d’autres exigent des travailleurs hyper spécialisés. Ces employeurs voudraient donc que l’école répondent à leurs exigences.

Pour l’Aped, en revanche, l’école ne peut être un rouage dans l’organisation de l’exploitation.

Au contraire, le rôle de l’école doit être de :
  •     Transmettre les connaissances de base et les compétences requises pour de nombreuses tâches, qu’elles soient professionnelles ou non : lire et écrire, calculer, comprendre les sciences et les techniques, développer les aptitudes manuelles, organisationnelles, informatiques, linguistiques, etc.
  •     Développer des valeurs et des attitudes nécessaires au travail : coopération, rigueur, initiative, souplesse, attention à la sécurité, à la santé et à l’environnement, souci des droits sociaux des travailleurs, etc.
  •     Organiser des formations qualifiantes différenciées aux contenus axés sur la production d’une valeur sociale ajoutée et sur le respect des gens et de l’environnement : de l’infirmier au dentiste, du menuisier à l’architecte, du jardinier au photographe.
  •     Doter le futur travailleur d’une compréhension globale et critique du processus de production auquel il participera ; maintenir des objectifs de formation générale et refuser la course à l’adéquation formation-emploi.

1.3. Instituer le citoyen critique

Former des citoyens critiques et capables d’agir à la transformation du monde est, aux yeux de l’Aped, l’objectif qui nécessite les réformes les plus urgentes et radicales de l’École.

En effet, les crises budgétaires, financières, sociales et écologiques se succèdent. Les inégalités se creusent. Le pour cent le plus riche de la population mondiale possède autant que les 99% restants. Les famines massives sont de nouveau à l’ordre du jour. Alors que des catastrophes climatiques menacent, les pays développés rejettent toujours plus de CO2. La fin de l’ère pétrolière approche et rien n’est fait pour l’anticiper réellement. Ces tensions, qui provoquent déjà de nombreuses guerres actuellement, augurent de futurs conflits apocalyptiques si un changement de cap ne se produit pas rapidement.

Or les progrès scientifiques, technologiques et industriels sont tels qu’ils pourraient offrir une vie décente à tous. Quel paradoxe ! Mais s’ils ne bénéficient pas au plus grand nombre aujourd’hui, c’est parce que ces progrès s’accomplissent au sein d’un système économique où les choix de production et de recherche sont exclusivement dictés par les intérêts des détenteurs de capitaux.

L’incapacité politique de résoudre cette contradiction engendre une autre crise : celle de la confiance des citoyens dans les institutions.

Il est donc essentiel que l’École développe la capacité à poser un regard critique sur le monde pour bâtir une société juste et durable. Il est donc essentiel que l’école arme les futurs exploités, ceux qui auront le plus besoin de changer la société, afin qu’ils soient des moteurs de changement et qu’ils ne soient pas exclus des processus de compréhension de notre société.

2. Que faut-il apprendre ?

Former le citoyen, l’être social et le travailleur, c’est la fusion de trois idéaux :
  •     L’éducation classique, que l’on a toujours réservée aux élites
  •     L’éducation « nouvelle » des pédagogues progressistes du XXème siècle
  •     L’éducation polytechnique dont se munirent spontanément les classes populaires productives avant que le capitalisme n’invente le machinisme et son travail morcelé.
2.1. Une formation classique, solide et ambitieuse, s’impose parce qu’il n’y aura pas de citoyenneté critique sans connaissance et compréhension de l’histoire humaine, de la géographie, des mécanismes économiques et sans formation au débat philosophique. L’exigence de rigueur des mathématiques ou du latin, la méthode scientifique et ses principaux résultats sont autant de moyens d’organiser la pensée, mais aussi de résister à l’obscurantisme ou au dogmatisme. En outre, la rencontre de différentes cultures, de différentes formes d’expression littéraire et artistique aide non seulement à former tout citoyen éclairé mais également à relativiser la position des cultures dominantes. Dans le même sens, la pratique artistique permet d’accéder à des formes d’expression plus riches et plus nombreuses. L’art et l’histoire de l’art ouvrent de nouvelles portes sur l’histoire du monde. Et l’étude des langues étrangères permet une organisation collective à l’échelle internationale.

2.2. L’éducation active est précieuse pour développer les valeurs et les comportements nécessaires à l’émancipation : la coopération au lieu du chacun pour soi, le respect des autres et de soi, l’écoute et l’argumentation, le respect des différentes cultures et de l’environnement, le goût du travail bien fait et de la rigueur, l’autodiscipline, le sens de l’initiative, l’attention à la sécurité et à la santé. L’éducation physique et le sport sont également essentiels comme contribution à l’éducation à la santé.

2.3. La dimension technologique doit être bien plus valorisée : à travers des cours théoriques ; par la pratique effective d’un grand nombre d’activités comme l’agriculture, l’électricité, la menuiserie, … ; par son introduction dans d’autres cours (la révolution industrielle en histoire par exemple) ; par des visites de lieux de production et des stages variés.

Une bonne formation polytechnique répond donc à nos trois objectifs :  éduquer et socialiser l’être humain, former le travailleur et instituer le citoyen critique.
  •     Elle aide évidemment à vivre dans une société où la technologie est de plus en plus présente. Mais elle aide surtout à y vivre de manière plus responsable en maîtrisant les limites et les implications écologiques de certaines technologies ;
  •     Elle permet une compréhension générale du processus de production par opposition à l’hyperspécialisation qui empêche une vue globale ;
  •     Elle éveille la conscience, par exemple, sur l’origine réelle de la production de richesses.

L’objectif de la formation polytechnique doit donc être d’apporter une compréhension à la fois théorique et pratique de la production dans son ensemble afin de contribuer à l’intelligence de la vie sociale...

Par Aped-Ovds (publié le 02/05/2019)
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