Notre-dame-des-Landes : la désobéissance civile comme levier pour lutter contre le système
Alexis* a vécu deux mois sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, entre 2016 et 2017. Il nous livre ici un témoignage personnel poignant. À la veille du rassemblement du 10 février pour fêter l’abandon du projet d’aéroport, il nous décrit le monde « libre » qu’il affirme avoir expérimenté, nous fait part de ses joies, mais aussi de ses doutes. Cette expérience l’a convaincu que la désobéissance civile est un levier important pour lutter contre « le système » et créer dès maintenant un monde plus juste. Depuis, il fait partie des occupants en forêt de Bure (contre l’enfouissement de déchets nucléaires) et de Hambach (contre l’extension de la plus grande mine de charbon d’Europe). Récit.
Je m’appelle Alexis, j’ai vécu deux mois sur la Zad de Notre-Dame-Des-Landes. Quand on me demande « qu’est-ce que tu as fait là-bas ? » ou « comment c’est la Zad ? », je suis parfois gêné. La Zad sort tellement de l’ordinaire, qu’il est difficile d’en parler en quelques mots.
Alors, pour toutes celles et ceux qui n’y sont jamais allé.e.s, j’ai envie de leur partager un peu de ce que j’y ai vécu. Car pendant ces quelques semaines, j’ai expérimenté de nouvelles manières de vivre ensemble, radicalement différentes de ce à quoi j’avais été habitué auparavant. Non seulement j’ai découvert des formes d’organisations sociales fondées uniquement sur la liberté et la solidarité, mais en plus j’ai pu découvrir de nouvelles idées et les expérimenter, ce qui me laissait pleinement la possibilité de m’épanouir. Je ne m’étais jamais senti aussi libre et ma vision du monde en a été bouleversée à jamais.
Les deux premières semaines de mon séjour, j’ai planté ma tente dans un champ à côté de La Chèvrerie, une cabane en terre-paille où vivent 6 à 8 personnes. Comme je ne voulais pas abuser de l’accueil de ses habitant-es, pendant les premiers jours, je leur demandais chaque matin si cela les dérangeait que je reste une nuit de plus. Au bout du troisième jours, on m’a répondu : « Écoute, ce lieu est à la fois à tout le monde et à personne. Je n’ai pas de droits sur La Chèvrerie, j’ai juste un peu plus de légitimité car je vis là. Si tu as envie de modifier quelque chose, tu peux le faire, même si tu n’es pas là depuis longtemps. Bien sûr, si tu veux démolir un des murs, demande d’abord aux autres ce qu’ils et elles en pensent ! Mais tout est question de rapports humains, de ressentis, de cas par cas. C’est ça qui est génial sur la Zad, c’est que même si tu viens d’arriver, tu es légitime à t’y sentir chez toi, à l’habiter. Sens-toi libre ! » Avec ces quelques mots, j’ai vraiment compris que je venais de pénétrer un monde nouveau.

Je garde un excellent souvenir de mon passage à La Chèvrerie : le confort y était très rudimentaire – ce qui, je dois l’admettre, m’a posé problème, alors que je n’avais jamais vécu sans eau courante ni électricité. Il m’a fallu un temps d’adaptation pour savoir cuisiner au feu, vivre presque sans lumière… –, mais mes cohabitant.e.s avaient d’immenses qualités humaines, ce qui rendait la vie facile. De cette première immersion sur la Zad, je me souviens en particulier des soirées-lectures pendant lesquelles chacun.e lisait à voix haute des extraits d’un livre qu’il ou elle a beaucoup apprécié, ou encore des moments d’improvisation musicale collectifs à l’occasion desquels nous jouions en cœur avec des instruments de fortune.

Lire la suite sur mrmondialisation.org (09/02/2017)