Dénoncer les scandales pour provoquer le débat et la révolte
L’émission de France 2 a provoqué un « réveil des consciences » sur les difficiles conditions de travail du secteur.

La soirée avait des airs de fête. A titre exceptionnel, on avait autorisé les trois enfants à dîner sur la table basse du salon. L’heure du coucher avait même été repoussée à 22 h 30. « Voir le métier de papa à la télé, c’est quand même pas tous les jours », justifie Philippe R., qu’un collègue avait prévenu de la diffusion du reportage « Travail, ton univers impitoyable » de « Cash investigation », mardi 26 septembre.

Devant les images filmées par les journalistes de France 2 chez le géant de la grande distribution Lidl, « l’excitation de début de soirée est vite retombée », raconte ce préparateur de commandes pour Carrefour, en région parisienne. Pas la même enseigne, mais une souffrance bien familière implacablement retranscrite sur l’écran plat du salon : « L’abrutissement de la commande vocale, les douleurs physiques, le mépris des managers, l’isolement des journées où on n’a plus le temps d’échanger avec les collègues », liste Philippe R., d’une voix qui peine à ne pas trembler.
« Voir ça à la télé, ça m’a sauté à la gueule que c’était pas normal de crever au boulot »
« C’est vraiment ça ton boulot papa ? », ose sa fille de 14 ans, celle qui est pourtant « en pleine crise d’ado et avec qui on s’engueule tous les jours ». Lui a eu « presque honte de devoir dire “oui” ». Ce soir-là, elle débarrasse son assiette et celle de ses petits frères « sans qu’on ait eu besoin de lui demander ».
La télévision éteinte, Philippe R., lui, ne parvient pas à trouver le sommeil. « Quand ma femme a rallumé la lampe de chevet et m’a demandé si ça allait, j’ai fondu en larmes », raconte cet homme de 38 ans, dont le dos a déjà « lâché deux fois ». « Voir ça à la télé, ça m’a sauté à la gueule que c’était pas normal de crever au boulot », explique-t-il. Dans un souffle, il poursuit : « que nous aussi on a peut-être le droit à un peu mieux ».

Par Charlotte Chabas

Lire la suite sur lemonde.fr (05/10/2017)