Créer un million d'emplois grâce au climat
 Avec « Un million d’emplois pour le climat » publié ce 12 janvier, un collectif inédit de syndicats et d’associations sociales et environnementales propose de concilier lutte contre le changement climatique et lutte contre le chômage. Un programme qui devrait susciter l’intérêt des candidats à l’élection présidentielle…

« No jobs on a dead planet ». La campagne « Un million d'emplois pour le climat » fait écho à ce leitmotiv de la confédération syndicale internationale. Née en Grande-Bretagne, elle se décline déjà en Afrique du Sud, au Canada, en Norvège, au Portugal et dans l'Etat de New York. En France, elle résonne comme un clin d'œil à la promesse du Medef de créer un million d'emplois en échange de la baisse des charges incluse dans le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi. Elle est portée par un attelage inédit d'organisations environnementales et sociales et de syndicats soutenu par la Fondation Heinrich Böll France, parmi lesquels l'association altermondialiste Attac, la Fédération syndicale unitaire (FSU), le Réseau action climat (RAC), la Confédération paysanne, Emmaüs, Alternatiba... Leur objectif commun : tordre le cou aux idées reçues opposant transition énergétique et emploi et travailler à une meilleure articulation entre une politique climatique ambitieuse, la protection des salariés menacés et le renforcement des opportunités sur le front de l'emploi.

Des métiers pour accompagner une transition énergétique juste

Le volume d'emplois évoqué résulte notamment des travaux de l'économiste Philippe Quirion effectués en 2013 sur la base du scénario négaWatt et prévoyant 632.000 emplois nets en 2030. En 2012, l'Organisation internationale du travail (OIT) chiffrait à 60 millions les emplois générés par la transition écologique, tandis que dans son scénario "100 % énergie renouvelable" de 2016, l'Ademe tablait sur 896.000 emplois.

Le million du slogan correspond à une création nette d'emplois additionnels d'ici à 2020 résultant de 446.000 emplois détruits (essentiellement dans les secteurs les plus polluants tels que l'automobile, le bâtiment, les produits pétroliers, l'abandon du nucléaire, du fret routier ou de l'agriculture traditionnelle intensive) et de 1,5 million de nouveaux emplois créés. Sans surprise, ces derniers sont issus des branches traditionnelles de la transition écologique, telles que la rénovation énergétique (350 000 emplois) et les énergies renouvelables (330 000). Mais les auteurs vont au-delà de ces estimations qui constituent aussi le socle de la croissance verte vantée par la ministre de l'Ecologie. Ils y ajoutent le recyclage et la réparation de biens domestiques, l'agriculture paysanne, les transports en commun, et plus original, des secteurs que les auteurs estiment essentiels à l'avènement d'une transition écologique socialement juste : la recherche-développement scientifique, l'action sociale (dont l'accompagnement des ménages en précarité énergétique), l'accompagnement des petites et moyennes entreprises et des collectivités dans la transition énergétique ou encore l'éducation à l'environnement. Par ailleurs, ils ne visent pas la croissance du PIB, mais plutôt, sans en chiffrer l'impact,  une tendance à la diminution du temps de travail.

Emplois aidés, fonction publique et reconversion

Côté création d'emplois, une part significative est du ressort du secteur public : 250 000 emplois aidés labellisés "transition écologique" et 100 000 emplois «transition écologique» dans la fonction publique. Dans le privé, qui pourrait créer 650 000 emplois, les auteurs préconisent de conditionner le soutien à la création d'emplois de qualité.

La formation professionnelle est l'un des leviers essentiels identifiés dans ce rapport. Elle seule peut en effet éviter des oppositions à la transition énergétique avant tout fondées sur la question de l'emploi, telles que celles suscitées par le projet de fermeture de la centrale de Fessenheim ou encore l'éco-taxe poids-lourds en Bretagne. Pas question de faire la transition énergétique sur le dos des salariés des secteurs menacés. C'est pourquoi la reconversion doit être anticipée et territorialisée. Sans oublier la question du financement de ces formations dispensées aux salariés des secteurs les plus menacés au cours de la période de transition...

Globalement, les auteurs, qui évaluent à 105 milliards d'euros en vitesse de croisière en 2020 le coût annuel de ces emplois, affirment que les sources de financement ne manquent pas. Ils citent notamment les sommes correspondant à la fraude et à l'évasion fiscale, la suppression des niches fiscales favorables aux énergies fossiles, l'instauration d'une véritable taxe sur les transactions financières, les recettes de la taxe carbone, la réorientation des flux monétaires finançant aujourd'hui des activités nuisibles à l'environnement...

Pas un "petit livre rouge et vert"

Autant de pistes qui nécessitent une volonté politique claire, laquelle fait pour l'heure largement défaut. Pour autant, si les auteurs entendent apporter leur pierre au débat public, ce rapport, qui constitue la première pierre d'une campagne qui s'inscrit dans le temps long, n'est pas « un petit livre rouge et vert », souligne Maxime Combes, économiste du mouvement Attac. Il s'agit avant tout de créer un « fort mouvement citoyen », grâce à des propositions issues d'associations qui n'avaient jusque là pas l'habitude de travailler ensemble. En dépit de la proximité des élections présidentielles, ils ne prévoient pas d'interpeller directement les candidats, mais espèrent bien susciter l'intérêt de quelques-uns. Quant à l'échelon idéal pour mener campagne, s'il reconnaît une difficulté à faire travailler ensemble des Etats membres européens aux situations et aux enjeux si différents, Maxime Combes table en revanche sur une appropriation par les collectivités locales des pistes évoquées dans l'étude.

Par Dominique Pialot (13/01/2017)
A lire sur le site de La Tribune