ACCORDS AVEC L’AMÉRIQUE LATINE : ÉCOUTER L’APPEL DE LA POPULATION OU AVANCER TÊTE BAISSÉE
Demain, 20 octobre, la commission des Relations extérieures de la Chambre est appelée à voter sur deux accords : l’Accord de libre-échange avec la Colombie et le Pérou d’un côté, et l’Accord de promotion des investissements avec le Panama, de l’autre. Le CNCD-11.11.11 rappelle aux députés l’opposition de larges pans de la société civile des pays concernés à ces traités.

Pour le CNCD-11.11.11, la situation est claire : les traités qui seront soumis ce mardi au Parlement ce mardi ne remplissent pas les conditions pour permettre l’amélioration des conditions de vie, ni en Belgique, ni dans les pays concernés. Michel Cermak, chargé de recherche sur le Commerce, souligne : « Nous avons d’une part un accord négocié par l’Union européenne avec le Pérou et la Colombie, pays où on compte chaque année des centaines d’agressions et des dizaines d’assassinats de leaders syndicaux et de défenseurs des droits humains. Or, l’accord en question ne prévoit aucun mécanisme contraignant en termes de respect de ces droits. Quant au traité de promotion des investissements avec le Panama, il est tout simplement un cas d’école de ce qu’il ne faut pas faire : reprenant la très controversée clause investisseurs-Etats (ISDS), il ne prévoit aucune clause de sauvegarde sociale ou environnementale contraignante. Il pose aussi une question très sérieuse : la Belgique doit-elle signer un traité de protection des investissements avec un paradis fiscal notoire ? »

La Colombie est depuis de nombreuses années le théâtre de multiples violations des droits humains, en lien direct avec les intérêts économiques. Si l’actuelle présidence colombienne a été l’occasion d’évolutions positives, la situation a-t-elle suffisamment évolué pour ratifier les yeux fermés l’accord négocié par l’Union européenne ? Entre 2010 et fin 2014, 1 762 leaders et défenseurs des droits humains ont été victimes d’agressions individuelles (assassinats, menaces, détentions arbitraires, etc.). Et cela continue : au premier semestre de 2015, on dénombre 399 agressions dont 34 assassinats de ces mêmes défenseurs [1]. Les chiffres sont tout aussi alarmants pour les syndicalistes et les défenseurs de l’environnement, tout comme ceux concernant la criminalisation de la protestation sociale.

Au Pérou, la poursuite des politiques extractivistes du gouvernement a provoqué d’innombrables conflits sociaux (217 en octobre 2014), souvent réprimés violemment. 65 % de ces conflits sont dus à des raisons sociales ou environnementales, dont 45 % à l’exploitation minière et 9 % à l’exploitation pétrolière.

Quant au Panama, il est lui aussi le théâtre de nombreuses violations des droits humains. Mais au-delà du cas de ce pays, c’est le modèle même d’accords négociés par l’UEBL (Union économique belgo-luxembourgeoise) qui est en cause. A l’heure où la Commission européenne elle-même a mis en évidence, dans le cadre de la négociation des traités transatlantiques (TTIP et CETA), les dangers du modèle classique de règlement des différends entre investisseurs et Etats, comment comprendre que la Belgique persiste et signe en ce sens ? L’accord négocié avec le Panama ne prévoit aucune balise permettant de préserver la capacité des Etats à édicter des mesures visant à protéger l’environnement ou à améliorer les conditions sociales de leur population.

C’est pourquoi le CNCD-11.11.11 demande aux parlementaires de s’opposer à la ratification de ces traités. Au minimum, il appelle à un débat parlementaire sérieux et approfondi alimenté par des auditions de représentants de la société civile des pays concernés, préalablement au vote.

Lire sur CNCD.be (19/10/15)