Tam Tam, le regroupement inédit de 72 associations contre le néolibéralisme
On y trouve les mutuelles et les syndicats. Tam Tam dénonce la logique néolibérale à l’œuvre au sein de notre société. La première des trois campagnes de communication démarre ce lundi.

"Il faut y aller ». Claudine Mahy (Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, RWLP) n’est pas la moins déterminée. Mais à l’instar de ses partenaires, issus de 72 associations et organisations, elle est tout autant persuadée de l’urgence de dénoncer les effets concrets du néolibéralisme. Un premier pas est franchi ce lundi, avec le lancement d’une vidéo très pédagogique centrée sur la problématique de la santé.

En avril dernier, ce constat d’urgence a motivé une série d’acteurs, d’intellectuels, à se regrouper. La généalogie dressée par Brieuc Wathelet, ancien président de la Fédération des étudiants francophones (FEF) et cheville ouvrière de l’initiative, est brève. C’est que, très vite, les partenaires se sont accordés sur l’importance « de faire comprendre aux citoyens des enjeux complexes et de repolitiser certains thèmes que l’on dit techniques, se les réapproprier », complète Pascale Vielle, professeure de droit social à l’UCL. C’est l’objectif avoué de cette plate-forme baptisée Tam Tam.

Derrière cette appellation, on trouve, excusez du peu, les mutualités chrétiennes et socialistes, les syndicats de ces mêmes courants, le collectif « Tout Autre Chose », la Ligue des familles, le mouvement étudiant, Smart, le RWLP et d’autres associations issues de Flandre, de la gauche et/ou de l’écologie. Des personnalités du monde universitaire également, comme Olivier De Schutter (ancien rapporteur sur la question du droit à l’alimentation auprès de l’ONU). « Nous voulons éveiller la conscience des citoyens sur l’impact du néolibéralisme dans tous les secteurs, résume Brieuc Wathelet. L’information, la conscientisation et la mobilisation ». Et montrer comment, dans différents secteurs, les politiques néolibérales produisent des effets destructeurs au niveau des solidarités, au profit d’une logique de marchandisation et de privatisation.
La Sécu peu à peu confiée au privé

La cible, on l’a compris, c’est le néolibéralisme. Et s’il ne s’agit pas d’attaquer uniquement la politique de l’actuel gouvernement fédéral, les partenaires de Tam Tam reconnaissent que la mise en œuvre de cette idéologie s’est sérieusement accélérée avec l’arrivée de la suédoise au pouvoir. « Il y a un impact très corrosif de certains discours qui sont devenus la doxa dominante », souligne Olivier De Schutter. Avec son vocabulaire : rentabilité, efficacité, privatisation. « C’est une vue concurrentielle de la société, avec deux solutions possibles venues de l’Etat, par en haut, et du marché. Il y a une absence de confiance qui prive la démocratie de cette énergie ». Claudine Mahy insiste : « Il est important que le monde universitaire sorte de sa zone de confort pour informer les gens. »

Premier thème abordé : la santé. Tam Tam dénonce le définancement du premier pilier des soins de santé au profit du deuxième et du troisième, privés, ainsi que l’augmentation progressive du ticket modérateur qui, loin de responsabiliser les gens, poussent certains à souscrire une assurance complémentaire et d’autres à renoncer à certains soins. « Il y a une volonté de réduire la croissance des soins de santé avec une économie de 1,5 milliard imposée au secteur depuis 2015 », dénonce Jean Hermesse, secrétaire général des Mutualités chrétiennes. Dans le même temps, les frais d’hospitalisation pris en charge par les assurances privées ont atteint 1,8 milliard, ajoute-t-il.

« Cette gestion budgétaire sans vision est insidieuse. » En effet, la dualisation de l’accès à la santé n’est pas sans conséquence. « 20 % de notre espérance de vie est liée aux soins de santé », poursuit-il en rappelant qu’un habitant d’une des communes les plus pauvres du pays vit, en moyenne, huit ans de moins que celui résidant dans une des plus riches. Et entre une personne sans qualification et un diplômé de l’enseignement supérieur, l’écart est de 18 ans !
« Durer jusqu’en 2019 »

« La dotation d’équilibre de la sécurité sociale est conditionnée à des facteurs d’efficacité, dénonce Pierre Cools, secrétaire général adjoint de Solidaris (Mutualités socialistes). Le gouvernement est en train de gérer des économies. Mais cela ne fait pas un projet de société ». Ce mouvement s’accompagne en outre d’un contrôle social renforcé, via le croisement de certaines données comme la consommation de gaz des ménages, souligne-t-il, ou l’encouragement à certaines formes de délation. « On glisse dangereusement vers un autre monde. ».

Les partenaires de Tam Tam entendent donc dénoncer les effets à moyen et long terme des politiques néolibérales mais également mettre en avant un contre-modèle basé sur la solidarité, la citoyenneté et l’accès aux soins pour tous. Changer de paradigme pour agir sur le réel. Ces valeurs et une série de chiffres nourrissent la vidéo didactique très bien réalisée et qui sera publiée, dès lundi, sur les réseaux sociaux. Tam Tam compte sur les membres de ses nombreux partenaires pour obtenir une diffusion virale. D’autres actions seront mises en œuvre par les différentes associations réunies sous ce logo.

Deux autres campagnes de communication suivront, avec pour thèmes la justice et l’emploi. « Notre volonté est de durer, avec 2019 comme horizon », confie Brieuc Wathelet. Et l’espoir que certains thèmes martelés rythment la campagne électorale de l’an prochain.

Par Pascal Lorent

A lire sur lesoir.be (05/02/2017)