Le Parlement européen veut mettre fin au délit de solidarité en Europe
Seuls 8 États membres bannissent le délit de solidarité de leurs législations nationales. L’outil juridique est souvent utilisé pour poursuivre les citoyens ou les organisations portant assistance aux migrants.

Le délit de solidarité est en train de se généraliser en Europe. Dans une résolution adoptée le 5 juillet, les eurodéputés ont appelé la Commission européenne à mettre de l’ordre dans les règles en matière d’aide aux migrants, utilisées à tort par certains États membres pour pénaliser l’aide humanitaire.

« Nous avons besoin de lignes directrices claires en ce qui concerne l’aide humanitaire. C’est essentiel dans un contexte où des individus et des ONG travaillent d’arrache-pied pour sauver des vies en mer et porter assistance sur terre » a réclamé l’eurodéputé socialiste britannique Claude Moraes, auteur de la résolution.

La directive européenne adoptée en 2002 sur l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier, prévoit des sanctions dans le cas d’une aide « à but lucratif », une disposition visant les réseaux de passeurs. Parallèlement, la directive prévoit que  les États membres puissent instaurer une exemption totale dans les cas d’aide humanitaire, afin de protéger l’assistance désintéressée portée par les citoyens et les organisations de la société civile.

Exception humanitaire

Mais dans un certain nombre de pays, le texte s’est retrouvé transposé sans l’exception humanitaire, ouvrant ainsi la voie à des poursuites contre les actions de solidarité. Une mise en œuvre dévoyée du texte de Bruxelles selon les eurodéputés, qui appelle la Commission à préciser les choses. Et les États membres à inclure cette exception relative à « l’aide humanitaire » dans leur législation nationale,  que seuls 8 pays de l’UE ont effectivement mise en œuvre.

« La législation européenne prévoit l’exemption de l’assistance humanitaire de la criminalisation, et jusqu’à présent 8 États membres ont fourni des exemptions explicites » a rappelé le commissaire européen à l’Immigration,  Dimitris Avramopoulos lors du débat en plénière le 4 juillet à Strasbourg. Il s’agit de la Belgique, de la Grèce, de l’Espagne, de  la Finlande, de l’Italie, de Malte, du Royaume-Uni,de la Croatie et de l’Irlande.

« Nous ne souhaitons en aucun cas poursuivre des citoyens et des organisations qui fournissent une véritable assistance à ceux qui en ont besoin », a martelé le commissaire grec, soutenant que « la criminalisation d’une assistance humanitaire réelle doit être évitée ».

Le risque de criminalisation est pourtant bien présent dans les différents pays européens. « La Commission dialogue avec la société civile, les agences de défense des droits fondamentaux, Eurojust et les procureurs nationaux sur le sujet » a expliqué le Commissaire.

Si les députés se sont accordés dans l’hémicycle, le sujet divise trop pour que les élus européens aient appelé à une nouvelle législation sur le sujet, craignant des discussions sans fin sur le sujet. « La directive est appliquée diversement en fonction des États membres. Il faudrait un règlement, mais l’expérience récente sur le paquet asile montre que c’est trop compliqué », a reconnu l’eurodéputée suédoise, Cecilia Wikström

Durcissement de la justice

L’adoption de la résolution parlementaire fait suite à un durcissement du climat européen sur l’aide aux migrants. En France, les cas de Cédric Herrou, récemment condamnés à de la prison avec sursis pour aide au séjour irrégulier, et celui de Martine Landry, accusée d’aide à l’entrée d’étrangers en France et dont le verdict doit être rendu le 13 juillet, ont révélé le durcissement judiciaire en matière d’aide humanitaire. «Le climat européen est de plus en plus suspicieux à l’égard des migrants et ceux qui les aident », a regretté la vice-présidente socialiste française du Parlement européen, Sylvie Guillaume.

En France, la nouvelle loi Asile-immigration a revu à la marge le « délit de solidarité », en excluant des sanctions les militants fournissant soins, hébergement ou nourriture aux migrants sans contrepartie lucrative.

En Italie, le tour-de-vis sur le délit de solidarité vise davantage les bateaux affrétés par les ONG en Méditerranée. Dans la foulée de la crise de l’Aquarius,  le navire Lifeline et son équipage s’étaient vus menacés  de poursuite pour complicité d’immigration clandestine en cas de débarquement dans un port italien.

En Hongrie, les députés viennent d’adopter une nouvelle loi sanctionnant durement l’aide aux migrants. Le texte, qui fait partie du paquet législatif « Stop Soros », prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 1 an d’emprisonnement contre toute personne portant assistance à une personne entrée illégalement en Hongrie depuis un pays n’appartenant pas à l’espace Schengen, sauf en cas de « danger immédiat ».

Par Cécile Barbière (publié le 05/07/2018)
A lire sur le site Euractiv