«C’était une bonne idée de laisser tomber les banques»
Le premier ministre d’Islande, Sigmundur David Gunnlaugsson, était en Suisse jeudi, dans le cadre du Symposium de Saint-Gall. Il en a profité pour souligner les mérites de l’indépendance de son pays à l’égard de l’Union européenne

Le premier ministre d’Islande, Sigmundur David Gunnlaugsson, était en Suisse jeudi, dans le cadre du Symposium de Saint-Gall. Il en a profité pour souligner les mérites de l’indépendance de son pays à l’égard de l’Union européenne (UE).

Le Temps: Compte tenu de l’influence de l’UE, est-ce optimal pour l’Islande de rester en dehors?

Sigmundur David Gunnlaugsson : Oui. Nous voulons maintenir de bonnes et étroites relations avec l’UE. Nous sommes membres de l’EEE et avons accès au marché unique. Mais une adhésion comporterait d’innombrables inconvénients. Les raisons se comprennent mieux si l’on se rappelle notre expérience de la crise financière. Nous en sommes sortis relativement vite, précisément parce que nous avons pris des décisions en toute indépendance. Nous sommes un petit pays. Nous pouvons nous adapter aux événements plus rapidement qu’une grande entité. Nous sommes plus flexibles. Je donnerai trois exemples. Nous avons notre propre monnaie, la couronne islandaise, qui s’est rapidement ajustée. Sa baisse a soutenu la croissance des exportations. Le tourisme a doublé en trois ans. Dès lors, nous enregistrons un fort excédent commercial. Nous avons aussi le contrôle de nos lois et règlements, ce qui nous a permis de voter la loi d’urgence de 2008 après le défaut des trois grandes banques. Le gouvernement n’a pas assumé la responsabilité de la dette des banques, mais les dépôts des clients ont été garantis. Enfin, le contrôle sur nos propres ressources naturelles (poissons) a été crucial.

– Le FMI ne vous a-t-il pas aidé?

– L’indépendance n’empêche pas
la coopération internationale, y compris avec les organisations supranationales, surtout pour un pays tourné vers l’exportation. Le FMI a aidé, mais la discussion a été vive sur la reprise de la dette des banques. Le FMI a été instrumentalisé, à mon avis. Cela rappelle l’importance pour un petit pays de miser sur l’état de droit plutôt que sur un rapport de force.

– Quelle est la contribution de la monnaie islandaise à la croissance du pays?

– La couronne doit s’adapter à l’environnement, notamment pour une économie basée sur les ressources naturelles. Le prix des poissons, de l’énergie, de l’aluminium participe à la détermination du taux de change. L’Islande est parvenue à maintenir un faible taux de chômage, même pendant la crise. Je suis heureux de voir que l’économie est plus diversifiée aujourd’hui. Mais aussi plus stable. Pour la première fois depuis des décennies, la couronne islandaise est stable et l’inflation est très modeste. L’une
de nos priorités consiste à maintenir un faible taux d’inflation. Nous y parviendrons en présentant un budget équilibré. Cela permettra
de réduire notre dette.

– En fait, est-ce que c’était une bonne décision de laisser tomber les grandes banques?

– En réalité, nous n’avions pas le choix, puisque les actifs des banques représentaient 10 fois le PIB. Mais c’était aussi une bonne décision, même si certaines banques d’autres pays étaient encore plus endettées et ont été sauvées. Le contribuable a pu être épargné.

– Quels sont les prochains défis de l’Islande?

– Les défis et les opportunités se situent dans l’Arctique. Tous les grands groupes énergétiques ont signalé un vif intérêt. Nous sommes en première ligne pour observer
l es effets du changement climatique. Nous minimisons ses effets, puisque presque 100% de notre énergie est durable. Nous devons aussi nous adapter en construisant des infrastructures pour les nouvelles routes maritimes. Nous devons mettre sur pied des opérations de sauvetage et accompagner les investisseurs qui cherchent à construire des ports.

Par Emmanuel Garessus

Lire sur le site Le Temps (11/05/2015)