Solidarité. L’impôt sur la fortune, une idée qui revient en force dans le débat public
L’éxecutif fait front pour rejeter tout projet de remise à plat fiscale, alors que la demande d’un ISF refondu, au cœur d’une grande réforme qui redonnerait toute sa progressivité à l’impôt, est reprise par de nouvelles voix.

Tétanisé par les gilets jaunes qu’il caricature en mouvement anti-impôt, et encouragé par les plus riches qui profitent des dernières réformes, l’exécutif rejette toute idée de remise à plat fiscale. C’est oublier qu’une des principales revendications qui a fait l’unanimité sur plus d’un an de mobilisation était le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Demande reprise depuis par de nombreux économistes critiques en ces temps de crise. « Mon opinion sur l’ISF, c’est qu’il n’aurait jamais dû être aboli. Aujourd’hui, je pense donc qu’il faut qu’il soit rétabli », a assuré la prix Nobel d’économie Esther Duflo. « Face aux Covid, il faut un nouvel ISF », a renchéri Thomas Piketty.

Des pistes de réforme pouvant rapporter 128 milliards d’euros

C’est Attac qui a pris début mai à bras-le-corps le dossier en proposant des pistes de réforme pouvant rapporter aux caisses de l’État 128 milliards d’euros, avec comme axe central, le rétablissement d’une réelle progressivité dans l’impôt. « On nous accuse de vouloir augmenter les impôts, mais nos propositions à l’inverse profiteraient à la majorité des Français, car l’impôt doit retrouver son rôle de redistribution des richesses », explique Raphaël Pradeau, porte-parole de l’association. À commencer par le rétablissement d’un impôt de solidarité sur la fortune débarrassé de ses défauts d’antan. « L’ISF était accusé d’être un impôt sur les millionnaires, qui épargnait les milliardaires, résume Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires finances publiques, premier syndicat de l’administration fiscale. Une niche en effet épargnait les actifs professionnels. Pour faire simple, cela veut dire que les gros actionnaires à la tête de holdings n’étaient pas taxés sur leur patrimoine financier. » C’est pourtant là que réside le cœur de la fortune des ultra-riches. L’autre gros défaut de l’ISF est tout aussi facilement corrigeable : l’abattement de 30 % sur la résidence principale, qui a mis en exergue cette poignée de propriétaires sur l’île de Ré aux revenus modestes qui se sont retrouvés assujettis – avant correction – à l’ISF après un emballement spéculatif immobilier. Attac comme Solidaires s’accordent pour proposer plutôt un abattement sur le montant, de 500 000 euros par exemple, et non plus proportionnel de 30 % comme c’était le cas. Par exemple, sur deux ménages, l’un possédant une maison de 1 million d’euros, l’autre de 10 millions, le premier se retrouvait imposé sur 700 000, le second sur 7 millions. Avec un abattement sur le montant, l’un passe à 500 000, l’autre à 9,5 millions. L’idée est donc de rendre l’ISF plus juste, donc plus progressif, l’exact inverse de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui l’a remplacé...

Par Pierric Marissal (publié le 04/06/2020)
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