Pour une Sécurité sociale alimentaire : « Comme la santé, l’alimentation doit sortir d’une logique de marché »
Près de 5 millions de familles sont dépendantes de l’aide alimentaire en France. Face aux dépenses contraintes, de plus en plus de personnes ne sont plus en mesure d’exprimer leurs préférences alimentaires, et sont obligées de se tourner vers les produits low-cost de l’agro-industrie, néfastes pour la santé comme pour l’environnement. Pourtant, les alternatives existent ! Pour les soutenir, l’association Ingénieurs sans frontières propose la création d’une sécurité sociale de l’alimentation : réserver un budget de 150 euros par personne et par mois à des produits bio, frais et de proximité. Explications.

C’est dans un contexte de revendications sociales et environnementales portées par le mouvement des gilets jaunes que le Salon international de l’agriculture établit ses quartiers au Parc des expositions de Paris jusqu’au 3 mars. Cette Grand-Messe annuelle du monde agricole, devenue un point de passage obligé pour de nombreuses personnalités politiques, se présente comme la vitrine bucolique du monde agricole et de ses produits de terroir... Une image pourtant bien éloignée de la réalité. D’un côté, de nombreux agriculteur·trices ne parviennent pas à vivre décemment de leur travail, de l’autre, l’accès à une alimentation choisie, de qualité et respectueuse de l’environnement reste encore trop limité.

Le Salon de l’agriculture est l’occasion de rappeler les problèmes socio-environnementaux générés par le modèle dominant, mais aussi celle de proposer une voie alternative, qui permette aux agriculteur·trices de vivre dignement de leur métier, et à tou·tes de pouvoir se nourrir de produits de qualité. En s’inspirant de la politique de la sécurité sociale, l’association Ingénieurs sans frontières – AGRISTA (agriculture et souveraineté alimentaire) propose la mise en place d’une Sécurité sociale de l’alimentation (SSA).

Une part croissante de la population ne peut plus exprimer ses préférences alimentaires

En France, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire est passé de 2,8 millions en 2008 à 4,8 millions en 2015 [1]. Face à d’autres dépenses contraintes (logement, transport...), l’alimentation représente une variable d’ajustement des budgets les plus modestes. Une part croissante de la population n’a plus le choix : elle ne peut ni « voter avec son portefeuille » pour encourager une agriculture éthique et respectueuse de l’environnement, ni même exprimer ses préférences alimentaires. En plus de se voir retirer la dignité de choisir leur alimentation, ces populations plus précaires présentent aussi les taux de malnutrition les plus élevés, c’est la double peine.

Le modèle agricole dominant n’assure pas ses missions les plus essentielles : nourrir convenablement les populations, maintenir des écosystèmes vivants, des paysages diversifiés et des métiers rémunérateurs et satisfaisants. Ainsi, ses impacts négatifs ne sont plus à démontrer : déclin accéléré de la biodiversité [2], détresse des paysan·nes [3], augmentation des maladies cardiovasculaires, diabètes et cancers liée à une alimentation de mauvaise qualité [4].

Une agro-industrie « low-cost » sous perfusion de subventions publiques

De nombreuses alternatives émergent en réponse à ces systèmes : par exemple, l’agriculture biologique connaît un développement considérable depuis quelques années, poussée par une demande croissante de la part des consommateur·trices. Pourtant, la volonté politique pour soutenir ces alternatives reste limitée, comparée aux investissements et subventions dont bénéficient les systèmes alimentaires industriels. On se retrouve alors avec une coexistence absurde de modèles agricoles et alimentaires antagonistes. D’un côté, des alternatives répondant aux attentes citoyennes (éthiques, durables et de qualité), mais peu encouragées, et accessibles à condition de disposer d’un niveau de sensibilisation et d’un revenu suffisant.

De l’autre, une agro-industrie « low-cost » destinée à nourrir le reste de la population, en particulier les plus précaires, sous perfusion de subventions publiques… Et dont les coûts cachés sont supportés par la société. Pour soutenir un système alimentaire alternatif, rémunérateur et accessible, nous proposons la création d’une sécurité sociale de l’alimentation. Après tout, l’alimentation n’est-elle pas notre première médecine ?...

Par Ingénieurs sans frontières (publié le 26/02/2019)
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