Face à l’explosion des loyers à Berlin, un puissant mouvement d’habitants veut exproprier les gros bailleurs privés
En France, les loyers continuent d’augmenter, le mal-logement de s’enraciner avec 4 millions de personnes concernées, alors que la loi Elan ouvre la voie à la privatisation du logement social et que la construction de logements à loyer modéré diminue. Les élus devraient peut-être regarder du côté de Berlin, également confrontée à l’explosion des loyers et à la difficulté de se loger. Un large mouvement y demande un référendum d’initiative citoyenne. Objectif : exproprier les grands bailleurs privés, qui privilégient leurs actionnaires aux dépens de leurs locataires, et instaurer une gestion démocratique des 200 000 logements communaux. Il n’est pas impossible qu’ils y parviennent.

« Il y a quelques années encore, il aurait semblé absurde à beaucoup de parler d’expropriation. Aujourd’hui, notre initiative rencontre une grande résonance. Je ne l’aurais jamais cru. » Rouzbeh Taheri est actif depuis des années dans le mouvement berlinois pour le droit au logement. En 2015, il était porte-parole d’une initiative de locataires qui avait lancé une procédure de référendum citoyen pour la protection du logement social. Mais nul besoin de référendum : la municipalité a adopté leur projet.

Ces collectifs de locataires veulent désormais aller plus loin, avec un référendum demandant l’expropriation des grandes sociétés immobilières privées, massivement présentes à Berlin. « Notre proposition d’expropriation ne concerne que les sociétés immobilières les plus importantes, qui détiennent plus de 3000 logements. Ce qui représente environ 200 000 logements en tout. Six sociétés immobilières sont concernées », précise l’activiste. Selon un sondage publié début janvier dans le quotidien Tagespiegel, une majorité des Berlinois trouve que l’idée d’une expropriation est juste [1].

Un mouvement social pousse la mairie à racheter une partie des logements privatisés

« La réalité, c’est que les gens n’en peuvent plus », juge Katalin Gennburg, élue municipale du parti de gauche Die Linke au parlement local de Berlin [2]. Dans la capitale allemande, les loyers des nouveaux baux ont augmenté de 75 % entre 2011 et 2016 ! Pour les contrats existants, même si la loi allemande limite leur augmentation, les grandes firmes immobilières utilisent souvent le prétexte de la modernisation des logements pour augmenter d’un coup les loyers de 30 % voire 50 %.

Il y a plus de cinq ans que le mouvement pour le droit au logement a repris de la vigueur à Berlin. Cette nouvelle vague a justement commencé dans un ensemble d’anciens logements communaux privatisés, dans le quartier de Kreuzberg. Les locataires faisant face aux augmentations de loyers, et menacés de devoir quitter leurs appartements, se sont mobilisés. Ils ont occupé le quartier, organisé des manifestations, rencontré les élus.

En 2017, la ville rachète finalement une partie de ces logements, pour 56 millions d’euros. Depuis, un conseil des locataires participe à la gestion des immeubles aux côtés du bailleur. Cet automne, ce sont un millier de locataires de la grande avenue est-berlinoise de la Karl-Marx-Allee qui se mobilisent. Comme le quartier voisin de Kreuzberg, les appartements de la Karl-Marx-Allee appartenaient auparavant à un bailleur communal avant d’être privatisés au début des années 1990...

Par Rachel Knaebel (publié le 02/02/2019)
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