Avec Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez, 300 parlementaires du monde entier écrivent au FMI et à la Banque mondiale pour annuler la dette
Ndlr : Nous publions la lettre qu’ont adressé au FMI et à la Banque mondiale 300 parlementaires du monde entier. Par cette lettre les 300 parlementaires demandent, pour renforcer la lutte contre le covid-19, la « remise totale de la dette des pays de l’Association internationale de développement (AID) par toutes les grandes institutions financières internationales (IFI) ». Cette revendication concerne une partie des pays en développement, ceux qui sont les plus appauvris. Demander la remise totale est une bonne chose mais le CADTM regrette que, par cette lettre, les 300 parlementaires demandent également au FMI d’augmenter ses prêts aux pays en développement par le biais d’une expansion des droits de tirage spéciaux (DTS). Augmenter la dette des pays en développement ne répond pas aux problèmes auxquels sont confrontés les peuples du Sud Global. Le CADTM explique sans relâche que les crédits du FMI et de la Banque mondiale sont constamment assortis de conditionnalités qui renforcent les politiques néolibérales et appauvrissent encore un peu plus les peuples. Le CADTM est pour l’abolition de la Banque et du FMI et leur remplacement par des institutions multilatérales authentiquement démocratiques et tournées vers la satisfaction des droits humains fondamentaux. Le FMI, la Banque mondiale et les banques régionales qui y sont reliées font partie du problème, pas de la solution.

Voir notamment :
* L’ABC du Fonds monétaire international (FMI) : https://www.cadtm.org/L-ABC-du-Fonds-monetaire-international-FMI
* L’ABC de la Banque mondiale : https://www.cadtm.org/L-ABC-de-la-Banque-mondiale
* La fausse annulation de dettes africaines annoncée par le président Macron : https://www.cadtm.org/La-fausse-annulation-de-dettes-africaines-annoncee-par-le-president-Macron
* 8 questions/réponses sur la dette du Sud et le Coronavirus : https://www.cadtm.org/8-questions-reponses-sur-la-dette-du-Sud-et-le-Coronavirus

300 parlementaires du monde entier ont envoyé ce mercredi 13 mai 2020 une lettre au FMI et à la banque mondiale pour l’annulation de la dette. Nous reproduisons ci-dessous l’article et la lettre (traduit de l’anglais) publiés sur le site internet du Sénateur américain Bernie Sanders. Les députés insoumis Jean-Luc Mélenchon, Manon Aubry et Manuel Bompard sont signataires. La liste de l’ensemble des signataires est disponible au bas de cette page.

Parmi les principaux signataires, citons Ricardo Monreal, leader de la majorité au Sénat mexicain, Golriz Ghahraman, députée du Parti vert en Nouvelle-Zélande, Jean-Luc Mélenchon, député français, Adam Bandt, leader des Verts australiens, Ofer Cassif, Aida Touma-Sliman et Ayman Odeh, membres de la Knesset israélienne, Maya Fernandez Allende, petite-fille de Salvador Allende, et le sénateur colombien Gustavo Petro. Sanders et Omar ont également été rejoints par les législateurs américains démocrates sénateur Dick Durbin (Ill.), et représentants Chuy García (Ill.), Grijalva (Ariz.), Jayapal (Wash.), Lee (Calif.), Norton (D.C.), Ocasio-Cortez (N.Y.), Pocan (Wis.), Pressley (Mass.), Rush (Ill.), et Tlaib (Mich.).

Le sénateur Bernie Sanders (Ind., VT) et la députée Ilhan Omar (Dem., Minn) mènent une liste de plus de 300 législateurs internationaux de plus d’une vingtaine de pays qui signent une lettre adressée aujourd’hui aux dirigeants de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), appelant les institutions financières internationales à annuler la dette des pays à faible revenu en réponse à la crise mondiale Covid-19 et à fournir un soutien financier important pour éviter un effondrement de l’économie mondiale.

« Cette crise nous montre que nous devons agir en tant que communauté mondiale – nous sommes vraiment tous dans le même bateau. Cela signifie qu’il faut protéger les plus vulnérables d’entre nous », a déclaré M. Sanders. « Face à une terrible pandémie et à une récession mondiale, nous ne pouvons pas laisser les pays pauvres dépenser les fonds qui devraient être consacrés à protéger la santé et la sécurité de leurs populations pour rembourser des dettes insoutenables. Nous ne pouvons pas permettre que ces pays soient privés des ressources dont ils ont besoin pour acheter de la nourriture, des médicaments, des équipements de protection et du matériel médical. Les mesures que propose notre coalition internationale de législateurs ne sont pas radicales. C’est le moins que ces institutions financières puissent faire pour empêcher une augmentation inimaginable de la pauvreté, de la faim et des maladies qui menacent des centaines de millions de personnes. »

« Il s’agit d’une crise économique et de santé publique mondiale comme nous n’en avons jamais vu de notre vivant », a déclaré la députée Omar. « En tant que communauté mondiale, nous devons saisir cette opportunité pour soulager ceux qui souffrent en annulant la dette des nations qui n’en ont pas les moyens. En tant que premier contributeur au FMI et force motrice de la création de la Banque mondiale, les États-Unis devraient prendre la tête de cet effort. C’est avec humilité que je constate le large soutien dont bénéficie cette politique sur les six continents, y compris de la part d’anciens chefs d’État. Nous sommes tous connectés au niveau mondial et devons agir collectivement pour nous sortir de cette crise. »

Les Nations unies prévoient que la crise du coronavirus pourrait accroître la pauvreté mondiale d’un demi-milliard de personnes, soit 8 % de la population humaine globale. Le Programme alimentaire mondial estime que le nombre de personnes au bord de la famine à cause de la crise économique mondiale pourrait doubler, passant de 135 millions à 265 millions, en raison de la pandémie. Dans le même temps, les pays en développement ont une dette extérieure d’environ 11 billions de dollars, dont 3,9 billions de dollars au titre du service de la dette cette année. Soixante-quatre pays paient actuellement davantage pour le service de la dette que pour les soins de santé.

« La suspension temporaire et le report de la dette ne suffiront pas à aider ces pays à donner la priorité à la gestion rapide et durable de la crise actuelle, » a écrit la coalition de législateurs, exhortant les dirigeants de la Banque mondiale et du FMI à prendre plutôt « des mesures fortes afin de fournir un vaste programme d’allègement de la dette et d’aide financière à tous les pays pauvres les plus exposés aux coûts humains dévastateurs et aux dommages économiques durables de la Covid-19. » Cela inclut le déploiement de « billions de dollars » en liquidités mondiales – connus sous le nom de droits de tirage spéciaux, qui sont coûteux – pour « éviter une augmentation majeure de la pauvreté, de la faim et des maladies. »

Lettre adressée au FMI et à la Banque mondiale

Washington, D.C. 20433
Kristalina Georgieva
Le Fonds monétaire international 700 19th Street, N.W. Washington, D.C. 20431

Cher président Malpass et directrice générale Georgieva :

13 mai 2020

Des membres de parlements du monde entier écrivent pour demander la remise totale de la dette des pays de l’Association internationale de développement (AID) par toutes les grandes institutions financières internationales (IFI) pendant cette crise mondiale de Covid-19.

Nous sommes heureux de constater que le Groupe de la Banque mondiale (GBM) et le Fonds monétaire international (FMI) ont déjà pris des mesures pour mettre en œuvre l’allègement de la dette et sa suspension pour les pays les plus pauvres du monde. La récente annonce par le FMI d’un financement temporaire d’allègement de la dette pour 25 pays membres est une évolution encourageante, mais un soutien beaucoup plus généralisé et à long terme reste nécessaire.

C’est pourquoi nous appelons tous les dirigeants du G-20, par l’intermédiaire de ces IFI, à soutenir l’annulation des obligations de la dette détenues par tous les pays de l’AID pendant cette pandémie sans précédent. La suspension temporaire et le report de la dette ne suffiront pas à aider ces pays à donner pleinement la priorité à une gestion rapide et durable de la crise actuelle. Les communautés vulnérables qui n’ont pas les ressources et les privilèges nécessaires pour mettre en œuvre des mesures de santé publique adéquates seront finalement confrontées de manière disproportionnée au fardeau du coronavirus. Un tel préjudice signifie que les chaînes d’approvisionnement mondiales, les marchés financiers et les autres échanges interconnectés continueront d’être perturbés et déstabilisés.

Nous vous demandons également de soutenir une émission importante de droits de tirage spéciaux (DTS) afin de fournir aux pays en développement un soutien financier urgent. La crise économique déclenchée par la pandémie s’annonce bien plus dévastatrice que la crise financière mondiale de 2009, lorsque les DTS ont été déployés pour la dernière fois. Nous sommes d’accord avec l’estimation « fourchette basse » de la directrice générale Georgieva, à savoir 2,5 billions de dollars pour les besoins financiers actuels des pays en développement. Une émission de DTS de l’ordre de plusieurs billions de dollars sera nécessaire pour éviter une augmentation importante de la pauvreté, de la faim et des maladies.

Par conséquent, non seulement nous avons le devoir humanitaire d’aider les pays pétitionnaires et qui sont dans le besoin, mais nous avons également un intérêt commun et direct à soutenir une aide globale pour une reprise et une résilience efficaces. En tant que communauté internationale collaborative, nous ne pourrons commencer à surmonter cette pandémie qu’une fois qu’elle aura pris fin pour tout le monde.

Pour ces raisons, nous demandons instamment au GBM et au GMI de prendre des mesures fortes afin de fournir un vaste programme d’allègement de la dette et d’aide financière à tous les pays pauvres les plus exposés aux coûts humains dévastateurs et aux dommages économiques durables de la Covid-19. Nous vous demandons de travailler avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux concernés à fournir une réponse dans un délai maximum de 15 jours après réception de cette lettre.

C’est dans notre intérêt commun en matière de santé publique, de sécurité et d’économie que nous nous réunissons et agissons avec audace pour aider les nations les plus vulnérables d’entre nous. Nous sommes prêts à travailler avec vous et à soutenir des solutions immédiates et à long terme afin de garantir que les pays fragiles et démunis reçoivent la flexibilité et les conseils dont ils ont besoin pour prévenir des crises humanitaires, protéger la santé publique et promouvoir la stabilité mondiale pendant cette crise et bien après qu’elle soit terminée pour les nations riches.

Par un collectif de signataires (publié le 15/05/2020)
A lire sur le site CADTM