A Berlin, un referendum sur la spéculation immobilière bouscule la campagne électorale
Dans son appartement en périphérie de Berlin, Regina Lehmann désespère devant la lettre signée par son propriétaire, un gros groupe immobilier, et la mauvaise nouvelle qu’elle annonce : une hausse de loyer imminente.

L’augmentation de 12,34 euros, sur un loyer mensuel de 623,44 euros, peut paraître anodine. Mais payer "sera très difficile", explique à l’AFP cette femme sans emploi, qui vit d’une pension d’invalidité.

Près de 700 de ses voisins vont subir le même sort, avec des hausses pouvant atteindre 8% pour des appartements situés dans de grands ensembles de Spandau, au sein d’un quartier populaire et excentré de la capitale.

C’est contre les appétits des sociétés immobilières que se mobilisent les promoteurs d’un référendum d’initiative citoyenne organisé à Berlin le 26 septembre, en parallèle des élections législatives.

Mot d’ordre : "exproprier" les groupes détenant plus de 3000 logements, c’est-à-dire faire passer leur parc immobilier en gestion publique pour mieux réguler les prix.

Dans son salon tapissé de photos de famille, Regina Lehmann l’affirme : elle "ne paiera pas".

"Je pense que si nous payons, dans peu de temps, les loyers augmenteront à nouveau".

Vote consultatif

Les habitants du quartier ont reçu le soutien d’associations qui estiment illégales les nouvelles exigences du groupe Adler, le propriétaire, car les prix dépassent déjà un indice de référence, fixé par la loi, en fonction de chaque quartier.

Le référendum est l’aboutissement de la grogne croissante des Berlinois contre le coût du logement.

Dans une capitale dont l’attractivité s’est renforcée ces dernières années, les loyers ont augmenté en moyenne de 85% entre 2007 et 2019, même s’ils restent bien inférieurs à Londres ou Paris.

Le sujet des loyers a également pris une place particulière dans la campagne des législatives devant désigner le successeur d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne.

Après avoir recueilli quelque 346.000 signatures, les promoteurs de cette consultation populaire ont pu obtenir la tenue d’un vote, selon les règles de démocratie locale en vigueur dans la capitale allemande.

Même en cas de victoire du "oui", le résultat ne sera pas contraignant pour le Sénat de Berlin, organe exécutif local. Mais la municipalité devra a minima se saisir politiquement du sujet.

19,3% de taux de pauvreté

La hausse étrangle de nombreux habitants dans une capitale où 80% des résidents sont locataires, et où le taux de risque de pauvreté (personnes disposant de moins de 60% du revenu médian) atteint 19,3%, contre 15,9% dans l’ensemble du pays.

Selon un sondage du quotidien Tagesspiegel, 47% des habitants seraient favorables au projet. Le soutien s’est accru avec le rejet, par la Cour constitutionnelle, d’un gel des prix introduit par la municipalité de gauche l’an dernier. Cette abrogation, par effet de rattrapage, a entraîné de nouvelles hausses.

Classe politique divisée

L’expropriation des sociétés immobilières est rejetée par la majorité de la classe politique berlinoise, qui privilégie une construction accrue de logements.

La droite y est opposée, pointant du doigt le coût de l’indemnisation que cela entraînerait alors que la collectivité est déjà une des plus endettée d’Allemagne.

La tête de liste du SPD (sociaux-démocrates) à Berlin, Franziska Giffey s’est elle aussi déclarée contre l’initiative, même si son parti, au pouvoir à Berlin, n’est pas opposé à des rachats ponctuels de biens pour juguler les prix.

La ville a d’ailleurs annoncé, vendredi, l’acquisition pour 2,4 milliards d’euros, de près de 14.750 logements aux groupes Deutsche Wohnen et Vonovia, géants du marché.

Seuls Die Linke, gauche radicale, et certaines têtes de liste des Verts se sont prononcés en faveur du projet, certains candidats s’affichant même avec le logo du referendum sur leurs affiches de campagne.

Par AFP (publié le 20/09/2021)
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