10 ans de lutte contre les logements inoccupés en Région bruxelloise : quel bilan ?
C’était il y a dix ans. Ne pas louer son habitation pendant plus de six mois, devenait une infraction en région bruxelloise. Tout propriétaire (ils étaient estimés à 15.000) encourrait alors une amende administrative : 500 euros par mètre de façade, multiplié par le nombre d’étage. A l’époque déjà, il s’agissait de lutter contre la spéculation immobilière. L’ordonnance bruxelloise était alors saluée par les défenseurs du droit au logement. Mais dix ans plus tard, l’ordonnance bruxelloise a-t-elle tenu ses promesses ? Nous avons voulu le savoir en contactant les acteurs directement concernés par ce dossier.

Un bel outil juridique mais trop peu efficace

A la Febul (Fédération Bruxelloise Unie pour le Logement), Véronique Gérard reconnaît d’emblée que la Région bruxelloise a depuis 10 ans entre les mains un remarquable outil… sur papier ! Mais cela ne suffit pas. La cellule chargée de s’occuper des logements inoccupés a longtemps souffert d’un manque de moyens humains. Certes l’amende peut être dissuasive (15.000 euros pour un bâtiment de 10 mètres et 3 étages). Mais dans les faits, si les petits propriétaires préfèrent rentrer dans le rang, les gros eux, connaissent les ficelles pour éviter de payer (ils promettent par exemple d’engager très vite des travaux).

Par ailleurs, certaines communes, elles-mêmes propriétaires de logements inoccupés, ne rentrent pas le cadastre des logements vides, elles n’y ont aucun intérêt. Bref, à la Febul, on a clairement l’impression qu’en 10 ans, les logements inoccupés sont toujours aussi nombreux. Aucun chiffre officiel n’est disponible mais selon certaines estimations, ils seraient plus de vingt mille en Région bruxelloise.

L’absence de cadastre centralisé nous empêche d’être vraiment efficaces

Au cabinet de l’actuelle secrétaire d’État au logement Nawal Ben Hamou, on reconnaît que la lutte contre les logements vides reste insatisfaisante. Combien d’amendes dressées en 10 ans ? Impossible à dire, nous affirme sa porte-parole, les responsables sont en congé. Mais elle le reconnaît aussi : "Peut mieux faire".

La Région n’aurait ainsi pas de vue globale sur l’ampleur du phénomène, car certaines communes n’envoient pas leur cadastre des logements vides à l’administration. "Elles nous disent ne pas en avoir les moyens". A la rentrée, nous nous pencherons sur le sujet, promet-on au cabinet de la secrétaire d’État, dans le cadre du plan d’urgence logement que nous devrons alors finaliser. Quelques semaines de patience en plus. Finalement, au bout de 10 ans, en effet, cela ne devrait pas changer grand-chose !

Y a-t-il une véritable volonté politique de mettre ces biens sur le marché ?

Au syndicat des locataires, on ne s’étonne pas vraiment du manque de résultat. Des logements vides, il y en a toujours autant qu’il y a dix ans. Et de toute façon, son secrétaire général, José Garcia, est même plutôt contre le principe de l’amende régionale. "Elle signifie que si vous payez, on ne peut rien vous reprocher, un peu comme si vous achetiez le droit de commettre une infraction".

Et si l’ordonnance régionale est peu appliquée, c’est sans doute parce qu’elle est inapplicable. Pourquoi ? Parce que, selon José Garcia, entre le niveau local et régional, tout le monde se renvoie la balle. "Résultat, rien ne bouge et quand en plus, le propriétaire semble vouloir ne pas se laisser faire, la procédure prend beaucoup de temps et devient donc inefficace".

José Garcia conclut par une provocation : "pour lutter contre les logements vides, il faudrait juste autoriser leur occupation par des sans-abri, vous verriez alors comme cela irait vite". Malheureusement, selon lui, on ne prend pas du tout cette direction. Les squatters sont même devenus récemment des criminels… Alors, ajoute-t-il, ma question est bien, veut-on vraiment lutter contre les logements vides ?

Par Véronique Fievet (publié le 05/08/2020)
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